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Ce que notre photo de profil Tinder dit de nous

Ça marche aussi avec Bumble et toutes les autres applis de rencontres.

Par
Bettina Zourli
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On dit souvent qu’on a une impression de quelqu’un en seulement quelques secondes, mais alors, qu’est-ce que ça donne quand on rencontre une personne virtuellement avant de se faire une date ?

C’est l’autrice Marie Bergström qui a décidé de s’intéresser en partie à ce sujet, dans son livre Les nouvelles lois de l’amour, paru en 2019. Si la thèse de l’autrice tend à expliquer plutôt nos comportements en ligne, et comment, au final, rien n’a changé, elle s’attelle aussi à mettre en lumière comment nous réagissons face aux informations que nous recevons en ligne.

« Montre-moi ta photo de profil, je te dirai de quel milieu social tu viens »

Selon le sociologue Pierre Bourdieu, les goûts ne sont pas anodins, ils ne sont pas innés, mais bien socialement construits pour assortir les gens en fonction d’un milieu social, d’une éducation, de goûts hérités de notre environnement.
Avec les applications de rencontres, on aurait pu croire que l’homogamie (le fait de se mettre en couple avec une personne de la même classe sociale que soi) diminuerait drastiquement, notamment parce qu’on peut rencontrer des personnes ailleurs que dans nos lieux de sortie habituels.
Pourtant, même si l’homogamie, elle, baisse drastiquement depuis le 20ème siècle, les couples qui se forment en ligne ne sont pas moins homogames que les autres !
En effet, le fait de mettre en top picture un selfie pris dans ton miroir ne va pas attirer le même type de personnes qu’une photo piquée de ton profil LinkedIn parce que “je n’ai pas beaucoup de photos de moi”, ou qu’une photo prise lors de ton dernier road trip en Patagonie.

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Pourquoi ? Parce que, comme partout ailleurs, on respecte certains codes, incorporés, appris, notre vie durant. Mais aussi parce qu’on tire des conclusions assez rapides rien qu’en regardant dix secondes la photo de profil de quelqu’un, et qu’on se fait une image d’une personne en un rien de temps.
Le selfie, ça a une connotation assez négative, on ne va pas se le cacher (même si un immense pourcentage de la population en a déjà pris au moins un dans sa vie, on va pas de le cacher, on manque juste de données officielles).

Pourtant, il ne faut pas non plus nier la part de rationnel mise dans les profils en ligne : souvent, on y réfléchit pas mal de temps, on va mettre volontairement LA photo qui sort du lot et qui parfois ne représente pas du tout notre caractère réel ou notre profil. En fait, on est aussi influencé par ce qu’on aimerait que les gens voient de nous, quitte parfois à dégager quelque chose de complètement différent !
Une amie m’expliquait avoir rencontré un homme sur Tinder, qui lui avait fait une remarque sur ses photos de profil : sur les quatre mises en ligne, elle n’affichait un sourire sur aucune d’entre elles, alors qu’elle est une personne pétillante qui rit aux éclats en permanence !
Non, non, rien n’a changé

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La conclusion de Marie Bergström dans Les nouvelles lois de l’amour est simple, finalement : rien n’a changé. Là où des sociologues imaginaient les premiers sites de rencontre comme précurseurs d’une révolution sans précédent sur la mixité sociale notamment, on remarque finalement que l’homogamie reste la norme. On se rencontre et on date avec sa classe sociale.
Car même si l’on peut rencontrer littéralement n’importe qui en ligne, certains signes ne trompent pas : on continue à discuter avec cette personne qui nous a plu sur la photo, grâce à des goûts ou expériences communes. L’affinité culturelle résulte forcément de similitudes sociales, et oui !
L’humour est également un puissant outil qui fait pencher la balance pour tel ou tel profil : si on plaisante avec quelqu’un, c’est bien parce qu’on a les mêmes codes. Les sujets de conversation, les phrases dites bateau, toutes faites, sont là aussi un moyen de décider de continuer d’échanger avec une personne, et cela en dit long sur le profil et le milieu des personnes, selon l’autrice.
En clair, tu ne vas réagir pareil face à un “Hey t’es charmante” qu’à un “Je suis un grand fan des films de Céline Sciamma, et toi?”. Tout simplement parce que ton milieu social, ton environnement, t’a donné certains codes concernant les échanges humains et les relations amoureuses.
Le poids des normes, même dans l’intimité du téléphone

Notre manière de draguer n’est pas uniquement une pratique personnelle, cela répond à des normes sociales. Ainsi, comme l’explique Marie Bergström dans Les nouvelles lois de l’amour, être célibataire, quand on a 30 ans en particulier, c’est toujours assez mal vu. L’objectif de “se caser” perdure.
Du coup, pour s’assurer de rencontrer quelqu’un.e, on n’est pas 100% naturel.le, même en ligne : l’autrice a en effet détecté, au gré de témoignages notamment, une pratique très courante, celle du mensonge. Hommes et femmes mentent sur leur âge ; les hommes parfois sur leur taille, les femmes plutôt sur leur poids. C’est d’ailleurs une étude Meetic qui l’avait montré : les hommes et les femmes sont en général 2cm plus grand.e.s que dans la réalité, et ont en moyenne 2kg de moins pour les hommes et 5kg de moins pour les femmes.

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En effet, si une femme qui ne cherche qu’un plan d’un soir l’indique honnêtement en ligne, elle va attirer énormément d’hommes et parfois vivre des expériences peu sécurisantes : nombre de femmes affichent alors une image “sérieuse” sur les réseaux sociaux, peu importe leurs envies réelles. Elles vont aussi refuser qu’on les aborde de manière légère, même si elles cherchent la même chose.
Le poids de l’image de la salope perdure bel et bien.
Côté hommes, ils vont également éviter d’être trop direct, pour ne pas se faire recaler en deux minutes. Bref, les relations en ligne, en particulier hétérosexuelles, sont pétries de clichés, et, comme le conclue Marie Bergström, les rôles de genre sont souvent exacerbés sur internet, la norme de la femme sage et prude ressort tout autant voire plus qu’en société !

Tu l’auras compris : même si tu mens un peu sur ton âge ou ta taille, tu ne trompes personne. Ta photo de profil, ta manière d’écrire te trahissent bel et bien, mon ami.e !

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