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Bettina Zourli : « J’ai failli donner raison à des personnes qui ont jugé ma vie sur une vidéo de 3 minutes »
On a la chance de compter Bettina parmi nos fidèles collaborateurs.trices. Début décembre, elle a témoigné sur Konbini au sujet de son nouveau mode de vie. Après la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux, elle a été victime d’un réel shitstorm. Face à ce déferlement de haine et de commentaires tous plus stériles les uns que les autres, on a voulu prendre de ses nouvelles (parce qu’on l’aime beaucoup) et lui proposer une tribune pour se défouler mais aussi prévenir. On lui laisse donc la parole ici.
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Au début du mois de décembre, Konbini me propose une interview pour parler du choix que j’ai fait, avec mon mari, de tester la vie séparément tout en étant en couple.
En effet, après 4 ans de vie commune et deux ans de mariage, nous avons beaucoup discuté pour aboutir à la conclusion suivante : le modèle classique du couple hétérosexuel ne nous correspond pas à 100%.
J’ai donc pris un appartement pour tester de vivre séparément à nouveau. Très vite, on s’est rendu compte que c’était un quotidien qui nous convenait mieux. J’ai commencé à en parler sur mon compte Instagram @jeneveuxpasdenfant, sur lequel nous avons d’ailleurs fait une première vidéo avec mon mari. Les réactions ont été très positives, et cette vidéo est la plus vue de mon compte, que je tiens pourtant depuis deux ans.
Quelques jours plus tard, une journaliste de Konbini me contacte pour une vidéo sur leurs propres réseaux, sur laquelle on pourrait mettre en avant notre décision de couple. Je saute sur l’occasion car j’ai bien saisi que l’amour, le couple de manière générale, fait énormément réagir, et parce que je sais que nous avons cruellement besoin de nouvelles représentations et d’ouvrir nos horizons sur le sujet.
Je ne vais pas mentir, je me doutais aussi que les réactions seraient virulentes, car si ma communauté Instagram est très ouverte et bienveillante, les médias comme Konbini manquent de modération et sont suivis par énormément de personnes différentes. La vidéo a donc été publiée sur Facebook, Twitter et Instagram et très vite, la colère est montée en moi. Sur Facebook, les réactions ne se sont pas fait attendre : nous serions des égoïstes, des représentations parfaites d’une société individualiste en perdition. Au-delà des commentaires méprisants sur nos physiques, j’ai bien senti qu’évoquer l’idée de refuser les difficultés du quotidien d’un couple en essayant d’avoir chacun.e son appartenant réveillait énormément de frustrations.
Ce qui est le plus revenu, c’est le fait que nous décidions de nous soustraire aux difficultés du couple, que vivre séparément, ce serait une solution de facilité. Les remarques ont été très acerbes et jugeaient notre mode de vie, mais surtout, on sentait en filigrane une certaine jalousie voire une rancœur, de la part de personnes qui semblent subir leur vie de couple.
Le pire est venu sur Twitter, le lendemain. Certaines personnes étaient simplement outrées que l’on bafoue les vœux du mariage, d’autres, en majorité des hommes, s’esclaffent de ma naïveté : pour eux, mon mari aurait fait ce choix pour me tromper tranquille. Beaucoup en tout cas se demandent en commentaire qui de nous deux est cocu, puisque cette décision ne peut, pour eux (il s’agit en majorité d’hommes), se justifier uniquement par un désir de tromperie. J’avoue que cela m’a beaucoup choqué, d’une part parce que je me rends compte que le couple est pour beaucoup, un moyen de contrôler son ou sa partenaire, mais aussi parce que ces personnes ont réussi à me faire douter.
Autre sujet d’insultes et de réactions virulentes, le fait que nous fassions le choix de payer deux loyers : dans la vidéo, j’avais mis un point d’honneur à expliquer que c’est un réel privilège d’avoir l’aisance financière de pouvoir avoir deux appartements, que nous ne le nions pas. J’ai un regard très critique sur le sujet, car c’est complètement anormal que notre société nous force, parfois pour des questions financières, à nous mettre en couple et à rester sous le même toit même quand ça ne nous convient plus.
Évidemment, ayant ma langue bien pendue et surtout un métier lié aux réseaux sociaux, j’ai répondu à la plupart des commentaires et les réponses ont été rapides : si je ne souhaite pas me faire insulter, c’est simple, je n’ai qu’à me taire.
Or, j’ai mis un point d’honneur à être présente dans les commentaires, à ne pas m’effacer, à répondre pour argumenter. Evidemment, je n’ai récolté que des moqueries, jamais une seule discussion intéressante.
Mais surtout, j’ai sous-estimé l’impact que ces commentaires ont eu sur mon humeur et sur mon couple. Pendant trois jours, j’ai été en colère permanente. J’ai analysé les réactions de mon mari, j’ai douté de notre couple, j’ai failli donner raison à des personnes qui ont jugé 5 ans de ma vie sur une vidéo de 3 minutes.
Je pensais sincèrement être au-dessus de ça, mais je crois qu’on ne peut pas nier l’influence négative des réseaux, même quand c’est notre métier et qu’on s’y expose au quotidien.
Comme je le disais, on m’a dit à plusieurs reprises que si je n’étais pas capable de prendre de face une vague de commentaires négatifs, je n’avais qu’à éviter de parler sur les réseaux. On m’a dit que c’était le jeu. A l’ère des réseaux, insulter est permis, et on peine vraiment à concevoir l’impact qu’un commentaire peut avoir sur l’estime des gens, sur leur confiance en eux.
A titre personnel, cela m’a donc pris quelques jours, mais je suis fière de ne pas m’être laissée avoir et surtout, d’avoir aussi donné de la voix. Je pense qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de réagir, mais en ce qui me concerne, exprimer ma colère et réagir m’a sauvé. J’aurais pu m’enfermer, voire demander à supprimer la vidéo, en particulier sur Twitter, un réseau des plus violents, et pourtant, je sais que notre vidéo a aussi été utile à beaucoup de gens.
La majorité silencieuse, ces milliers de personnes qui soutiennent les créateur.ices de contenu comme moi mais sans commenter chaque publication, je sais qu’iels sont là et dans les jours qui suivent, j’ai aussi reçu des centaines de messages, apportant un soutien vraiment précieux et me remerciant d’aborder des sujets sérieux et d’offrir de nouvelles représentations.
Alors, pour terminer cet article, je voudrais faire passer un petit message : ne soyez jamais silencieux.se. Les réseaux sociaux sont un lieu idéal pour le harcèlement, la cancel culture, les shitstorms, mais n’oublions pas que les personnes bienveillantes ont aussi le droit de les inonder avec leur amour et leur gentillesse. N’oubliez pas l’impact positif ou négatif d’un commentaire.