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Barbie peut tout faire… même détruire le patriarcat

Critique garantie presque sans spoil.

Par
Cha Toublanc
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Kitsch à l’extrême, politique à souhait mais léger comme une barbe à papa, le film Barbie est un petit bonbon de féminisme… à la sauce super-production américaine.

Au pays rose de Barbie, les femmes sont reines, belles, confiantes et se soutiennent entre elles. Les maisons de plastique pastel n’ont pas d’escalier, ni de mur. Le ciel est bleu et la mer ne mouille pas. Chacune pense que l’avènement de la poupée Barbie a permis d’éliminer les inégalités de genre. Que puisque les Barbies peuvent exercer n’importe quel métier, les “filles peuvent tout faire”. Et que puisqu’elles ont compris qu’allier la logique aux émotions est la source du pouvoir, les femmes ne peuvent être que puissantes comme elles.

Mais un soir, après une énième journée de loisirs, alors qu’elle enflamme le dancefloor dans sa maison de rêve, Barbie stéréotypée, jouée par une Margot Robbie plus blonde que jamais, pense à la mort. Et la pyjama party, à laquelle n’a pas le droit d’assister Ken (Ryan Gosling), car “Every night is girls night”, ne peut rien contre ce qui vient de s’enclencher. Le lendemain, Barbie se réveille avec une mauvaise haleine et des cernes. Elle ne marche plus sur la pointe des pieds et, ultime horreur, de la cellulite apparaît sur ses cuisses. Pour sauver sa perfection, il ne lui reste qu’une option : se rendre dans le vrai monde.

« Je ne mettrais jamais de talons si mes pieds étaient plats. » – Barbie

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Sur les bords de Venice beach, Barbie va alors découvrir “la violence sous-jacente” dans le regard des hommes qui la matent “comme si (elle) était un objet”, la hèlent et vont jusqu’à lui mettre une fessée. La jeune femme alors ressent pour la première fois la “gêne de soi-même” et ce que c’est “d’avoir peur sans raison”. Après un bref coup d’oeil sur les visages masculins imprimés sur les billets de banque et les halls d’entreprises où des mâles en costumes sombres se serrent la main, Ken observe lui, avec fascination, que dans notre monde “les hommes sont les rois”. Dans cette société où “tout existe pour étendre (leur) pouvoir”, celui qui ne peut pas passer une bonne journée si Barbie ne l’a pas regardé se sent respecté pour la première fois.

Ryan Gosling, véritable bijou du film dans un rôle d’homme accessoire, nous prouve, comme si c’était encore nécessaire, qu’il n’a pas peur du ridicule. Et qu’il danse vraiment très bien. Ken, vrai-faux personnage secondaire, collectionne les répliques cultes. Ma préférée (à lire en chantant dramatiquement dans la tête) : « Mais quand verra-t-elle l’homme sous ma peau bronzée ? » Sa partenaire de jeu, Margot Robbie, pourtant tout en peps et délicatesse, se laisserait presque éclipser par l’humour du Canadien.

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Life in plastic is fantastic

Après Lady Bird salué aux Oscars, la réalisatrice Greta Gerwig signe avec Barbie un troisième long-métrage réussi. Jacqueline Durran, qui a déjà travaillé avec la cinéaste américaine sur son second film Les filles du Docteur March, propose des tenues plus iconiques les unes que les autres. Du body échancré sur cycliste rose fluo au total look western strassé, en passant par les chemisettes délicieusement vintage de Ken, la cheffe costumière nous prouve que oui, “le rose va avec tout”.

Malgré les décors hyper kitsch aux couleurs saturées et les gags d’une vie en plastique, le début du film ressemble à un document de propagande où une voix off insiste, parfois un peu lourdement, sur les évolutions que Mattel, la marque de Barbie, a su faire pour s’adapter aux critiques de non représentation de la diversité des physiques des femmes. Ainsi, la présidente du pays est une femme noire (Issa Rae), la Barbie journaliste (Ritu Arya) semble d’origine indienne, Barbie avocate (Sharon Rooney) est une femme grosse qui se sent belle et une Barbie danse au milieu de toutes en fauteuil roulant. Barbie ne serait pas qu’une bimbo mais une avocate, physicienne, médecin ou prix Nobel de littérature sans complexe d’illégitimité. La chance !

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Sauf qu’aujourd’hui encore, si Barbie était réelle, elle aurait l’IMC (indice de masse corporelle) d’une personne anorexique et ne pourrait pas marcher tant les proportions de son corps sont déséquilibrées. Et les nouvelles poupées “curvy”, aux cuisses et tailles de hanches plus généreuses, sorties en 2016, sont toujours bien plus maigres que la femme française moyenne.

Heureusement, lorsque Barbie Stéréotypée quitte son monde pour le nôtre, la réalisatrice Greta Gerwig abandonne son ton policé et s’autorise à critiquer la célèbre poupée. Barbie aurait rendu les femmes malheureuses en imposant des stéréotypes inatteignables et a contribué à détruire la planète en faisant l’apologie du consumérisme. D’ailleurs, les dirigeants de Mattel ne sont que des hommes, même si ce sont tous des “fils de femmes et neveux de tantes”.

“Le patriarcat c’est quand les hommes et les cheveux gouvernent sur tout.” – Ken

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La troisième partie du film dégouline d’une misandrie au goût délicieusement sucré. La réalisatrice y décrypte le “logiciel du patriarcat’ et élabore un petit guide pour une révolution féministe. Révolution sans aucune remise en question de classe ou de race, il ne faut pas trop en demander à un film produit par une multinationale qui retombe dans les travers hollywoodiens en bout de course.

Je n’ai pas le droit d’en dire plus, sinon vous m’en voudrez. Mais ce soir, je crois que je rêverai, comme il y a 20 ans, de me réveiller dans le matriarcat de Barbie. Moi qui avais, pour un devoir d’art plastique en 6e, coupé rageusement les cheveux de mes poupées, puis organisé un shooting dans la rue avec des mégots à leurs pieds, je crois être enfin réconciliée avec ma copine d’enfance.