Au fond, je comprends les antivax

Si on se connait, je n’ai pas menti : je suis bien double vaccinée. Je crois aux vaccins et je suis bien contente de m’être sauvée du tétanos et de la polio. Par contre, je ne prétends pas comprendre les vaccins, mon cerveau ayant la capacité exceptionnelle de jouer du Crazy Frog en boucle quand on m’explique quoi que ce soit d’un peu trop complexe.

Malgré ma propre incompréhension du sujet, j’ai longtemps trouvé ridicules les gens qui sont contre les vaccins. Mon premier contact avec eux, pré-pandémie, a été par cette théorie voulant que les vaccins causent l’autisme, alors que l’idée est réfutée depuis longtemps. J’ai ensuite continué à suivre peu attentivement ce genre de conspiration. Je le faisais avec amusement et jugement. Je me disais : IMAGINE que des gens pensent que la Terre est plate. IMAGINE que les gens croient au Pizzagate.

Je n’étais donc pas surprise de constater la popularité grandissante des mentalités antivaccins pendant la pandémie. Puisque mon fil Facebook est composé à 90 % d’humoristes de la relève (c’est aussi cool et/ou pénible que vous le pensez), j’ai vu passer tous les gags imaginables sur le sujet. Même si je riais, j’avais déjà commencé à trouver le tout triste et inquiétant. Je me suis mise à regarder des documentaires sur les origines de certaines idées qui me semblaient risibles et même si je comprenais encore mieux pourquoi elles étaient fausses, je commençais aussi à comprendre les gens qui tombaient dans le panneau des charlatans à leur origine.

Malgré tout, j’avais alors tendance à vraiment me séparer d’eux. Honnêtement, je pense encore avoir ce réflexe. C’est gratifiant de se sentir supérieur.e aux conspirationnistes. Il m’est facile de me dire que MOI, je fais confiance aux expert.e.s, que MOI, je fais le meilleur choix citoyen, que MOI, je suis vraiment une meilleure personne.

Mais c’est vraiment hypocrite de ma part.

Parce que, moi aussi, j’ai du mal à faire confiance au système de santé. Ayant moi-même vécu de la négligence médicale, ça fait un bon bout de temps que j’ai réalisé que je ne me sens pas en sécurité dans le bureau d’un.e médecin. Je ne compte même plus mes ami.e.s ayant vécu des histoires d’horreur à cause de médecins misogynes, homophobes, capacitistes, grossophobes ou racistes. Quant aux gouvernements, j’ai tendance à m’inquiéter pour les gens qui les soutiennent aveuglément plutôt que le contraire.

Alors qui suis-je, moi, pour rire des antivax ?

Je partage les frustrations de plusieurs au sujet des opposant.e.s aux mesures sanitaires. J’aurais vraiment aimé que les gens respectent plus le confinement, le port du masque et la vaccination. Je partage toutefois aussi plusieurs frustrations de ces récalcitrant.e.s. J’ai l’impression que nos gouvernements n’ont pas été transparents ni efficaces dans leur gestion de la crise. Je suis aussi la première à douter des intentions des grandes compagnies pharmaceutiques, leurs affaires douteuses étant un autre de mes sujets de documentaire préférés. Alors quand je vois nos concitoyen.ne.s exprimer leurs frustrations et leurs peurs, je ne veux plus rire. Je vois des gens qu’on a oubliés, que nos dirigeant.e.s ont oubliés. Ils partent des mêmes peurs que moi, mais arrivent seulement à des conclusions différentes. Je comprends pourquoi on rit d’eux, je peux reconnaître le ridicule, mais j’ai l’impression que la solution est loin de ça.

Ces derniers temps, je ressens particulièrement ce malaise quand je vois l’attention portée aux infirmiers et infirmières refusant de se faire vacciner. J’ai l’impression que certains médias les ont présentés comme bouc émissaire de la quatrième vague. Pourtant, on a affaire à des gens, surtout des femmes, ayant vécu un réel enfer dans les premières vagues et en étant ressortis avec d’innombrables traumatismes. Je suis d’accord que pour la sécurité de tou.te.s, ces personnes doivent se faire vacciner. Mais quand je les vois se faire traiter comme des idiotes, je ne peux que me dire : qui sommes-nous pour regarder des gens qui ont fait face à l’horreur et leur dire « passez à autre chose » ?

Je m’étais toujours imaginée comme une personne sensible et empathique, alors pourquoi est-ce que je démarre aussi facilement dans ma frustration et mon sentiment de supériorité quand je vois les gens contre le vaccin ? Y a-t-il même une solution ?

C’est pour ça que j’admire le travail de gens comme Mathieu Nadeau-Vallée, ce médecin résident qui a créé une série sur TikTok pour répondre aux inquiétudes des gens envers la vaccination avec empathie, patience et passion. Je ne partage clairement pas ses connaissances et sa pertinence, mais, à partir de maintenant, je veux offrir mon empathie, à deux mètres de distance, aux antivax dans ma vie.