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Athena, bataille mythologique dans une cité de banlieue

Au programme : un film de guerre épique et immersif.

Par
Anaïs Bordages
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Athena s’ouvre sur une explosion : celle d’un cocktail molotov, balancé sur un commissariat de police par les jeunes de la cité d’Athena. Quarante-huit heures plus tôt, un jeune habitant de la cité, Idir, 13 ans, a été tabassé à mort par des hommes en uniforme de police. Alors qu’une vidéo du meurtre circule sur les réseaux sociaux, les jeunes de la cité d’Athena ont décidé de répondre par la violence, tant qu’ils n’auront pas le nom des coupables. « C’est fini de nous prendre pour des victimes. À chaque fois qu’ils tapent, on tape. À chaque fois qu’ils tuent, on tue. »

Film de guerre

Présenté en compétition à la Mostra de Venise, ce nouveau film explosif de Netflix est quasiment certain de provoquer une déflagration médiatique et culturelle lors de sa sortie le 23 septembre. Réalisé par Romain Gavras (Le Monde est à toi) et co-écrit avec Ladj Ly (Les Misérables), Athena est une expérience immersive, qui raconte en quasi temps réel l’affrontement entre la police et les habitants de la cité. Les deux cinéastes, accompagnés d’Elias Belkeddar au scénario, reprennent ici les codes du film de guerre, pour présenter l’événement à la manière d’une bataille médiévale. Le résultat est un choc des sens et des émotions, où les combats superbement photographiés et la chorégraphie méticuleuse de la caméra évoquent des classiques de guerre récents comme 1917 ou Dunkerque.

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Pour la finesse, on repassera: entre sa musique puissante agrémentée de chœurs latins, et sa cité portant le nom de la déesse grecque de la guerre, le film n’est pas timide avec les métaphores martiales. La guerre y est dépeinte comme une entreprise à la fois épique et archaïque; on croise un cheval de police équipé d’une visière, des scènes de foule évoquant un champ de bataille, ou des CRS équipés de longues échelles, partant à l’assaut des remparts de la cité telle une forteresse. L’intrigue, elle, emprunte à la tragédie grecque, articulée autour des trois frères d’Idir. Ayant chacun une approche radicalement différente du conflit, les trois vont s’entre-déchirer alors que les combats font rage. Karim, le cadet, est le leader de la rébellion, rongé par le deuil et la colère. Abdel, l’aîné, est un militaire de formation, patriote et respectueux des règles. Et Mokhtar, l’aîné, est un dealer violent et psychotique qui ne pense qu’à lui.

Prouesse visuelle

Après un démarrage exaltant, le film menace parfois de s’essouffler, mais maintient finalement la tension à un niveau remarquablement élevé jusqu’à la fin. Dans les scènes d’action comme dans le drame, les émotions du film sont exagérées, et le propos perd parfois en subtilité. Mais les outrances théâtrales d’Athena sont stabilisées par la justesse du casting: Dali Benssalah, Anthony Bajon, Alexis Manenti… Et surtout Sami Slimane, révélation dans le rôle de Karim, dont le magnétisme engloutit l’écran à chacune de ses scènes.

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Quant au spectacle visuel, il est tout simplement indéniable. Avec ses plans-séquences, ses scènes de combat hyper-esthétisées et ses sublimes envolées musicales, Athena est une démonstration de force cinématographique qui se ressent autant qu’elle se regarde. Le film est parsemé d’images inoubliables, comme celle de Karim dans la cour de la cité, observant des hommes venus d’autres quartiers pour lui prêter allégeance. L’impressionnante séquence d’ouverture, qui se conclut avec l’image subversive d’un camion de police détalant à toute vitesse sur l’autoroute, rempli de jeunes de la cité brandissant un drapeau français, a quant à elle suscité une salve d’applaudissements admiratifs lors de la projection de presse à Venise.

Avec un tel sujet, traité de manière aussi spectaculaire, on peut déjà redouter les réactions enflammées de certains éditorialistes et autres figures politiques. Pourtant, le film fait de la multiplicité des points de vue son mode opératoire: on est aux côtés de Karim, mais aussi des habitants forcés d’évacuer la cité, d’un jeune CRS, ou du grand frère d’Idir, Abdel, partagé entre ses différentes loyautés. C’est ce désir de pluralité qui sera peut-être reproché à Athena, chaque « camp » estimant que l’autre n’a pas été suffisamment condamné. C’est pour nous sa grande force: sans manichéisme, le film de Romain Gavras reste avant tout focalisé sur l’émotion – sans oublier d’être politique, comme le prouve son dernier plan glaçant.

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