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A quoi ressemble la société idéale, aux yeux de la population française ? C’est à cette épineuse question qu’une vaste et très longue enquête de la CFDT et de la Fondation Jean-Jaurès (un think-tank d’obédience socialiste), menée par l’institut de sondage Ipsos auprès de plus de 8 700 personnes âgées de 18 ans et plus, a tenté de répondre. Et si votre cercle familial est à l’image de la population nationale, les discussions des fêtes de fin d’année risquent d’être très animées.
LES FRANÇAIS.ES SONT ENCORE TRÈS ATTACHÉ.ES À LA DÉMOCRATIE
Lorsqu’on interroge l’échantillon sondé sur le modèle de gouvernance qui a leur préférence, les panélistes – tous âges confondus – sont encore 45% à plébisciter le système de démocratie représentative actuel. Mais la petite nouveauté c’est qu’ils sont également de plus en plus à souhaiter la mise en place d’une démocratie directe. Ainsi, 40% des répondants déclarent qu’ils préfèreraient un système dans lequel c’est le peuple qui décide directement de la loi, grâce à des référendums et des assemblées citoyennes. Et ce défaut de confiance envers les élus semble concerner majoritairement les personnes issues des milieux sociaux les plus modestes (ainsi, ils sont respectivement 58% des panélistes issus des milieux défavorisés, et 54% de ceux appartenant à des catégories populaires à vouloir se débarrasser du Parlement ou du moins, des intermédiaires censés les représenter).
Notons aussi que parmi la population des moins de 25 ans, 10% des personnes interrogées sont bien plus réacs que leurs aînés et n’ont visiblement jamais ouvert un livre d’histoire puisqu’elles souhaitent l’avènement d’un régime autoritaire, avec un dirigeant qui décide de la loi, sans aucun contre-pouvoir (c’est le pourcentage le plus élevé du panel). Et quand on change de focale pour s’intéresser non plus à l’âge des fans de despotes, mais à leurs affinités politiques, on s’aperçoit, sans grande surprise, qu’il ne s’agit pas d’idolâtres de Greta Thunberg rêvant de la dictature des khmers verts, mais plutôt de membres de Reconquête (ils sont ainsi 13% de partisans de Zemmour, tous âges confondus, à fantasmer sur l’arrivée au pouvoir d’un nouveau tyran).
LA VILLE A TOUJOURS DE BEAUX JOURS DEVANT ELLE
Bien que les supposées difficultés d’adaptation des néo-ruraux à leur environnement soient chaque année le serpent de mer des conférences de rédactions, les promenades bucoliques et les coins aux champignons ne font pas rêver tout le monde. Ainsi, près de la moitié des Français déclarent que dans l’idéal, ils souhaiteraient s’établir en ville (46% des répondants, tous âges confondus, se voient en effet bien vieillir dans une grande métropole, une petite ville, ou une ville de taille moyenne).
Mais rassurez-vous, les rats des champs ne sont pas en reste ! C’est en réalité l’égalité parfaite avec ceux qui préfèrent être bloqués sur la route du boulot par une vache charolaise éprise de liberté, que par un embouteillage de vélos. En effet, 46% des panélistes aspirent à l’inverse à vivre dans un gros bourg, un petit village ou une maison isolée à la campagne. Quant aux 8% restants, il s’agit des amoureux de la banlieue, ces oiseaux rares qui trouvent leur bonheur à la périphérie des grandes aires urbaines.
LES START-UP N’ONT PAS LA CÔTE
Les babyfoots dans la salle de pause, et les weekends de team-building à faire des malaises vagaux sur une via ferrata font apparemment moins fantasmer que la sécurité de l’emploi. Ainsi, les start-up représentent l’employeur idéal pour seulement 3% des personnes sondées, tous âges confondus, tandis que les grandes entreprises du secteur privé et le service public (malgré ses coupes budgétaires successives et son manque criant d’effectifs) séduisent respectivement 28% et 25% des panélistes. Et concernant le temps consacré à charbonner, la plupart des Français sondés (41%) sont satisfaits de leurs horaires, et souhaiteraient que dans l’avenir rien ne bouge.
Ce qui est plus surprenant en revanche, ce n’est pas le pourcentage de personnes interrogées qui aspirent à travailler moins (20%), mais plutôt celui d’accros au boulot qui fantasment sur le fait de bosser encore davantage (14%). Peut-on faire sécession avec ces personnes et les contraindre à vivre dans une open-space géant ? L’expression “après moi le déluge” n’aura d’ailleurs jamais été aussi vraie puisque la catégorie socio-professionnelle la plus encline à plébisciter une société dans laquelle le boulot prend encore plus de place qu’aujourd’hui est celle des retraités (20%). Enfin, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la grande majorité des Français n’aime pas recevoir les mails passifs-agressifs d’un manager tout puissant. Ils sont en effet 74%, tous âges confondus, à rêver d’un système de cogestion des entreprises entre dirigeants et salariés.
LES JEUNES PRÉFÈRENT L’ARGENT
On croyait les jeunes générations plus détachées du matériel, adeptes du minimalisme d’une Marie Kondo ou particulièrement sensibles aux convictions des mouvements décroissants, mais assumer de vouloir gagner beaucoup d’argent n’est en réalité plus du tout tabou chez les panélistes les moins âgés. Ainsi, les moins de 25 ans et les 25-34 ans sont largement en tête du classement des catégories d’âges qui estiment qu’avoir beaucoup de thune rend libre et contribue fortement au bonheur (respectivement 59% et 58% des personnes interrogées). Peut-être aussi parce qu’ils sont ceux qui en ont le moins…
Ils sont également les seuls de l’enquête à considérer majoritairement (54% et 55%) que gagner beaucoup d’argent devrait être un objectif valorisé par la société, tandis 56% du total des sondés déclare au contraire que cela devrait être moins valorisé. Alors ne soyez pas dupe : si votre ado excelle en maths au collège, c’est peut-être parce qu’il boursicote en cachette pour devenir le prochain requin de la finance, alias le Loup de Sucy-en-Brie.
LE COUPLE EST ENCORE UN IDÉAL DE VIE
N’en déplaise aux bigots qui pensent que la démocratisation des applis de rencontre et le fait de discuter des modes de relations alternatifs dans les médias incite les Français à se vautrer dans la débauche, la plupart d’entre eux ne jure encore que par le modèle classique du couple fidèle et monogame. Ainsi, ils sont 70%, tous âges confondus, à déclarer que l’idéal d’une histoire d’amour passe par une fidélité sans faille. Une proportion qui varie très peu selon les catégories d’âge, et une aversion pour l’adultère partagée par la plupart des personnes sondées.
Les Français sont également très favorables à l’institution du mariage puisqu’ils sont 54%, tous âges confondus, à déclarer que ce type d’union reste la meilleure option quand on a trouvé sa moitié. Et n’allez pas croire que les islamo-gauchistes ou les plus jeunes générations y sont moins attachés. En effet, 50% des moins de 25 ans veulent encore se passer la bague au doigt. Et 43% des partisans de LFI préfèrent convoler en justes noces, que choisir l’une des trois autres possibilités proposées (le PACS, le concubinage ou la vie de couple dans des domiciles séparés). La parentalité fait aussi encore pas mal rêver, puisque seulement 15% des Français déclarent ne pas vouloir d’enfants, quand 5% de Français, visiblement très optimistes sur leur avenir et celui de la planète, en souhaitent 4 ou plus !
La bonne nouvelle – malgré ce que les questions inquisitrices de votre entourage pourraient laisser croire à chaque fois que vous évoquez les joies de votre célibat – c’est que la population est de plus en plus tolérante avec les personnes qui choisissent de ne pas se caser ou de ne pas avoir d’enfants. Ainsi, les personnes sondées sont respectivement 77% et 73% à parfaitement comprendre ces choix. D’ici quelques années, les femmes de plus de trente ans arriveront donc peut-être à passer un déjeuner dominical sans devoir expliquer pourquoi elles se sont fait poser un stérilet.
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES FONT GLOBALEMENT FLIPPER TOUT LE MONDE
Jeunes ou moins jeunes : tout le monde semble inquiet face aux nouvelles avancées de la science. Ainsi, tous âges confondus, les personnes interrogées sont 55% à se méfier du fantasme transhumaniste et de la possibilité de vivre jusqu’à 150 ans, 58% à avoir peur d’un monde où les robots effectuent à notre place la plupart des tâches pénibles (même si cela signifie la fin du travail), 62% à craindre le développement de réalités virtuelles dans lesquelles on pourrait passer plus de temps, 68% à redouter la possibilité d’avoir des rapports sexuels virtuels (avec un hologramme ou dans le métavers), 73% à s’effrayer d’un monde où on n’aurait plus besoin de dormir et 72% d’une existence durant laquelle on pourrait se passer de manger et de boire.
Des réponses qui amènent aussi beaucoup d’autres questions comme : qui sont ces 11% de Français séduits ou intéressés par la possibilité de ne jamais plus manger quoi que ce soit ? Des grands traumatisés du gratin de panais ? En tout cas, ils se situent visiblement plutôt à gauche de l’échiquier politique (14% chez LFI). Mais aussi : pourquoi les ouvriers interrogés, qui appartiennent à la catégorie socio-professionnelle la plus exposée à des conditions de travail pénibles, sont bien moins attirés que les cadres sup’ par la perspective d’une société débarrassée du boulot ? (32% des cadres sup’ contre 23% des ouvriers). Et enfin : peut-on choper une chtouille numérique en couchant avec une image holographique ?