.jpg)
Arc Républicain ou voûte des gros mythos ?
C’est l’expression à la mode depuis quelques jours dans les rangs de la majorité : “l’Arc Républicain”. Et bien que la formulation ne date pas d’hier chez les soc-dem, elle revêt aujourd’hui une dimension nouvelle. Autrefois utilisée pour tracer une ligne de démarcation claire entre les membres de l’extrême droite et les garants des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité chères à notre nation, elle revient aujourd’hui à excommunier, à traiter en ennemies de la République, toutes les personnes qui mettent en cause les dérives autoritaires du gouvernement. Ou pour le dire autrement : à sanctionner, sous couvert de lutter contre le populisme et le chaos, tout esprit critique concernant le fonctionnement de nos institutions. À condition qu’il émane d’une personnalité de gauche bien évidemment.
Car oui, les bons points et les mauvais points de l’idéal républicain ne sont pas distribués équitablement selon que vous apparteniez aux radicaux de gauche et aux écolo, ou aux membres des Républicains et surtout du RN, des terres sur lesquelles Renaissance chasse son électorat depuis des années. En effet, dépasser les clivages gauche-droite n’a jamais vraiment fait partie du programme d’Emmanuel Macron. En revanche, flatter les égos des fachos, ne faire aucune déclaration lorsque la décence imposerait pourtant qu’on prenne position, ou se draper derrière la liberté d’expression dès qu’il s’agit de condamner des propos dangereux est le tour de passe-passe favori des lieutenants de la majorité présidentielle. Petit passage en revue des personnes qui font encore partie de l’Arc Républicain selon notre gouvernement, et n’ont souffert d’aucune opposition.
Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau
Lui qui déclarait ceci à propos des émeutiers qui ont embrasé le pays dans le sillage de la mort du jeune Nahel : « Certes, ce sont des Français, mais ce sont des Français par leur identité. Malheureusement pour la deuxième, la troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques.» Pas un mot de la part des membres du gouvernement pour dénoncer ces propos racistes de la part d’un élu au sujet des jeunes issus de l’immigration, et susceptibles de mettre de l’huile sur le feu.
Seul contradicteur parmi les ultra-libéraux, Aurélien Pradié, un député LR qui s’est mis à dos une partie de ses collègues en accusant le sénateur vendéen de dévoyer “les valeurs fondamentales de la droite”. En revanche, grosse levée de boucliers de la part des trois présidents de groupes de la majorité, qui se sont même fendus d’une lettre, pour demander des sanctions à l’encontre des parlementaires qui ont participé à la marche en mémoire d’Adama Traoré. Ambiance.
Les policiers des syndicats Alliance et UNSA
Non content de soutenir financièrement l’agent mis en examen pour homicide volontaire dans l’affaire Nahel en prenant des arrêtés de suspension administrative lui permettant de continuer à percevoir son salaire durant sa détention provisoire, le ministre de l’intérieur fait également semblant de regarder ailleurs quand sa police montre les muscles. Ainsi, les communiqués des syndicats qui appellent d’une manière à peine voilée à la sédition, et menacent le gouvernement de prendre les choses en main pour imposer le calme face à des « hordes sauvages » et des « nuisibles » n’ont donné lieu à aucune suite judiciaire ou disciplinaire. Pas de sanction, pas d’enquête, rien. Les forces de l’ordre censées être au service de la population, et dont la mission principale est de maintenir la paix, peuvent donc tranquillement agiter le spectre de la guerre civile sans être inquiétées. Dont acte.
Le président du RN, Jordan Bardella
Le jeune loup de l’extrême-droite n’a pas seulement les crocs qui rayent le parquet, il tient sa meute de fachos aux portes de l’Elysée. Mais il a raison d’avoir de l’ambition. Ainsi, lorsqu’il déclare à propos des violences urbaines de ces dernières semaines : «Il y a une contagion de l’ensauvagement de la société», une partie de ses propos sont repris par les personnalités de la majorité présidentielle comme Eric Dupont-Moretti et Aurore Bergé, qui décident de rebaptiser LFI : “La France Incendiaire”. Une formule inventée par Bardella lui-même, qui fait donc tellement partie de l’arc républicain qu’il est désormais plagié par ses représentants et sentinelles les plus zélées.
Eric Dupont-Moretti a également reçu une jolie standing-ovation de la part du RN dans l’hémicycle, après avoir vivement invité l’extrême-droite à porter plainte contre les députés de gauche ayant participé à la marche interdite en mémoire d’Adama Traoré. Le Garde des Sceaux n’a pas dû faire beaucoup de manifs ces vingts dernières années, puisque le slogan “Tout le monde déteste la police” est un hit à chaque mobilisation. En tout cas, à ce niveau de complaisance et d’œillades complices lancées aux nationalistes, il va peut-être falloir songer à reconfigurer le placement des élus de la majorité. Pour rappel : le grand patron de la DGSI a alerté cette semaine sur la résurgence très préoccupante des violences de l’ultra droite depuis le printemps. Mais on attend encore les déclarations inquiètes des membres du gouvernement face à cette angoissante montée en puissance. Peut-être parce qu’ils sont trop occupés à leur faire des appels du pied ?
Le milliardaire Vincent Bolloré
Visiblement, absorber et faire entrer dans son giron une radio, plusieurs chaînes de télé et différents journaux pour créer un empire médiatique qui fait la part belle aux discours racistes et réac (CNews a d’ailleurs été épinglé par l’ARCOM pour non respect du pluralisme politique en recevant entre 2020 et 2021 36% d’invités d’extrême droite, ce qui est bien plus que toutes les autres chaînes françaises) n’est absolument pas anti-républicain.
Cela ne sature pas le paysage médiatique de discours haineux qui bénéficient au Rassemblement National et aux partisans d’Eric Zemmour (dont la carrière en politique doit d’ailleurs beaucoup à Vincent Bolloré). Personne au sein de la majorité présidentielle pour dénoncer ces acquisitions en pagaille, qui mettent en péril la bonne tenue du débat démocratique ? Ah si ! Pap N’Diaye a osé lancer la charge contre CNews et Europe 1. Seul contre tous, puisqu’il n’a été suivi par aucun autre membre du gouvernement.