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Annuler le mois de janvier ? Oui, c’est possible

Par
Louise Pierga
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Le mois de janvier est communément détesté. On a froid, on a trop mangé, on n’a plus un kopeck. Et si on supprimait ce mois nul ? L’histoire a prouvé que faute de savoir voyager dans le temps, on était capable de le manipuler. Car la mesure du temps est humaine, religieuse et surtout politique. La preuve ! En quelle année sommes-nous ? 2025 (bonne année, d’ailleurs). Pourquoi 2025 ? Parce qu’il y a 2025 ans précisément serait né le p’tit Jésus. Signe que le social media manager des Chrétiens a fait un super taf.

Certes, en l’an 3 personne ne savait qu’on était en l’an 3, ou comme le dit Louis C.K. dans 2017 “Personne ne demandait : En quelle année sommes-nous ? – En l’an 3 – Mais j’ai 28 ans – Tu es né en 24 av. J.-C. et il y a eu un zéro, tu te souviens du négatif ? C’était stressant”. Et pour cause il faudra attendre le VIe siècle pour qu’un érudit religieux du nom de Denys le Petit décide humblement de choisir l’avènement du Christ comme point de départ de datation et invente ainsi sans le savoir l’ère chrétienne. Ça tombe bien, Olivier Marchon a rassemblé ces bizarreries temporelles dans un ouvrage bien plus “mind-blowing” que le film Tenet Le 30 février et autres curiosités de la mesure du temps.

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L’année qui dura 445 jours

L’an -46 av. J.-C. n’a pas volé son petit nom “année de la confusion”. Jusque là on utilisait le calendrier romain, dont la version la plus récente n’était pas si éloignée du nôtre : 12 mois qui alternaient entre 31 et 29 jours (28 pour février) pour un total de 355 jours (auparavant l’année comptait 10 mois et commençait en mars). 10 jours de moins qui fichent toutefois en l’air le cycle des saisons ; pour y remédier on ajoutait tous les deux ans un mois en rab de 27 jours… Non seulement c’était trop long mais en plus ça n’était pas toujours respecté selon le planning des pontifes (Jules César a “oublié” ce treizième mois pendant 4 ans sans doute trop occupé à mettre des mandales à Pompée). Résultat des courses : il n’y a plus de saisons, littéralement.

César décide donc de réformer tout le bordel, s’entoure d’un astronome d’Alexandrie répondant au doux nom de Sosigène. Les Egyptiens étaient en effet un peu plus malins que les Romains et avaient capté qu’une année durait plutôt 365,25 jours. On garde donc les 12 mois de l’année alternant entre 30 et 31 jours, 28 pour février qui gagnera un jour de plus tous les 4 ans (qui à cette époque n’était pas un 29 février mais mais “23 bis”, six jours avant le 1er mars d’où le nom “bissextile”). Quant au début de l’année, il est arbitrairement choisi le 1er janvier car c’est la date de prise de fonction des consuls. Grâce à Jules César, le calendrier Julien voit le jour (en son hommage, gros melon le zig). Et pour remettre les pendules à l’heure saisonnière, on se paye une première année de 15 mois avant de repartir sur de bonnes bases.

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L’énorme blague du calendrier républicain

Si je vous dis que Victor Hugo est né le 7 du mois de ventôse de l’an 10, ça vous parle ? A priori, bof. Normal, le calendrier républicain a duré à peine 12 ans avant que Napoléon 1er ne rétablisse le calendrier grégorien ; celui-ci avait supplanté le calendrier Julien en 1582 (thanks to Grégoire XIII) et s’était répandu dans les pays catholiques. Pour aller dans le sens de la Révolution, on décide de l’abolir.

Quand la République est proclamée le 22 septembre 1792 (soit le 1er vendémiaire de l’an I), on met en place un groupe de réflexion destiné à mettre au point un nouveau calendrier aussi républicain qu’anticlérical. On divise l’année en 12 mois de 30 jours (les 6 jours “en trop” sont casés en fin d’année), eux-mêmes divisés en trois périodes de 10 jours (les décades), chaque jour est divisé en 10 parties et ainsi de suite. Bienvenue dans le fabuleux monde du système décimal.

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Pour enjoliver cette nouvelle datation pas très sexy au demeurant, on peut remercier Fabre D’Eglantine (si, si, vous le connaissez, c’est à lui qu’on doit le tube “Il pleut, il pleut Bergère” numéro 1 des ventes avant l’invention du CD). Le poète donne à chaque mois des p’tits noms champêtres : vendémiaire (pour les vendanges), frimaire, brumaire, nivôse (la neige), pluviôse, ventôse, germinal, floréal, prairial, messidor (les moissons), thermidor, fructidor (pour le shampoing Fructis, j’imagine). Quant aux 6 jours en rab ils seront modestement renommés les “sans-culottides”. On supprime aussi les saints pour les remplacer par des animaux, des fruits ou des légumes. Noël devient le “jour du Chien” et Jésus peut aller se rhabiller, le 13 juillet “jour de la Pintade” et le 10 août “jour des Lentilles”.

En guise de remerciement, Robespierre ne manquera pas de faire guillotiner Fabre d’Eglantine ; faut croire qu’il détestait la faune et la flore. Exécuté en même temps que Danton, ce dernier aurait rassuré l’artiste peiné de ne pas avoir achevé un poème Ne t’inquiète donc pas, dans une semaine, des vers, tu en auras fait des milliers”. LOL Danton.

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Malgré la complexité et l’inadaptabilité du calendrier républicain au reste du monde (bon courage pour les échanges internationaux avec vos ventôse et vos jours de la langoustine), il tiendra bizarrement 12 ans.

Staline et la galère des jours de couleur pour les daltoniens

Quand les Bolcheviques russes prennent le pouvoir en 1917, ils veulent tout changer, y compris la mesure du temps un peu trop cléricale à leur goût. Alors que l’URSS a besoin de grosse moula et donc de décupler sa force de travail, un économiste propose en 1929 qu’on supprime le dimanche, jour de repos (et du Seigneur accessoirement) et qu’on passe à une semaine de travail continue de 5 jours. Chaque jour est associé à une couleur et les jours de repos varient d’un ouvrier à l’autre afin que l’industrie tourne 24h/24, et 5j/5. Staline kiffe grave le concept et fait buter ceux qui s’y opposent (il n’avait pas du tout le sens du débat). La semaine est donc renommée Nepreryka (soit “ininterrompue”) et se divise en jaune, rose, rouge, violet, vert. Evidemment, ça saoule tout le monde. Imaginez que votre seul jour de repos diffère de celui du reste de la famille ou de vos amis ? Vous le passez seul et vous vous ennuyez comme un rat mort.

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Pour Staline, c’est du pain béni (paradoxe ecclésiastique, si vous me permettez), ça évite les risques de contestation car quand on est tout seul on conteste beaucoup moins. Pourtant la Nepreryka s’avère un échec, les ouvriers sont déprimés par ce nouveau système et la productivité baisse jusqu’à ce que Staline y mette fin en 1931 comme quoi le petit père des peuples n’était pas totalitairement dénué de bon sens.

Alors on attend quoi pour faire un coup d’Etat ? Constituer un nouveau gouvernement et supprimer une bonne fois pour toute le mois de janvier (en plus du capitalisme et des Figolu) ? Je sais pas ce qui nous retient mais si vous êtes chauds, contactez-moi en DM pour qu’on crée un nouveau calendrier où chaque saint serait remplacé par un revêtement de sol.