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Alors voilà, je ne voulais pas y croire. Jusqu’au bout, j’ai espéré. Le coeur rempli de naïveté, d’insouciance. Obstrué par le déni peut-être. Je ne pouvais l’envisager, mais c’est arrivé: j’ai fêté mon anniversaire en confinement.
Je l’avais vu venir, quand même. J’avais donc (un peu) anticipé le coup. J’ai contacté deux cobayes: deux personnes ayant vécu le truc avant tout le monde, afin de profiter de leur expérience, de leur expertise. J’ai reçu deux témoignages très inspirants, fondamentalement différents. J’ai tenté d’en tirer le meilleur.
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D’abord, il y a Stéphanie.
Ils sont 6, confinés à la maison, papa en cellule de crise depuis plusieurs jours, maman en télétravail non stop avec 4 enfants: 14, 13, 8, 6 ans. L’anniversaire du petit dernier qui arrive à grand pas, et au milieu de tout ça, l’annonce du confinement à J-4. Le petit Jean-Baptiste, « il n’a pas beaucoup rigolé quand on lui a expliqué que l’anniversaire avec ses copains, ça n’allait pas être possible. Celui fin mars avec les grands-parents non plus, d’ailleurs… »
« On a tous cherché des déguisements à l’arrache dans le garage. Papa en Télétubbies, maman en danseuse orientale, licorne et fée pour les autres. »
Trouver une Switch en 2 jours alors que la France vient d’entrer en confinement total, impossible aussi. Il a donc fallu faire avec les moyens du bord. « Mes 2 plus grands sont scouts: la veille, en 20 minutes, ils lui ont créé tout un imaginaire magique. »
Le lendemain, master JB a été convié à venir défier tous les super héros de la famille. Maison décorée de ballons, guirlandes et autres DIY last minute. Les parents s’étaient organisés pour caler leurs visios le matin. « On a tous cherché des déguisements à l’arrache dans le garage. Papa en télétubbies, maman en danseuse orientale, licorne et fée pour les autres. »
Tour de kapla, jeux de billes, bata-waf, trampoline, parcours sportif… A l’issue de chaque épreuve, master JB était récompensé par des cadeaux trouvés « en faisant mes fonds de tiroir la veille ». Et ça, c’est quand même une sacrée chance. Pour ceux que ça inquiète, rassurez-vous: JB aura bel et bien sa Nintendo Switch à l’issue du confinement. Mais faut pas le dire.
Finalement, ses grands-parents étaient quand même là, via WhatsApp. En fin de journée, Stéphanie a signé sa première attestation de sortie, et ils sont allés tous les 2 faire un tour de vélo. Une sortie anodine, qui, dans ce contexte, devient un vrai moment privilégié.
«Ça nous oblige à nous réinventer. Jamais je n’aurais imaginé passer un anniversaire avec mon fils et mon mari déguisé en Télétubbies…»
« J’ai pris ça comme un vrai cadeau. Un magnifique moment avec mes enfants et mon mari. Enfin je te dis ça à J+3… on en reparle dans 15 jours! Mais on aurait pu décider de le prendre mal, ça n’a pas été le cas. Ça nous oblige à nous réinventer. Jamais je n’aurais imaginé passer un anniversaire avec mon fils et mon mari déguisés en Télétubbies…»
Beaucoup d’imagination et de créativité, donc. Et un sacré sens de la récup’! Moi aussi, j’aurais bien aimé faire une course pour affronter mon père déguisé en Télétubbies dans le jardin, affronter ma mère en danseuse orientale, ou ma soeur en licorne sur le trampoline. Mais ils n’étaient pas hyper chauds…
Et puis j’ai discuté avec Marie, 26 ans depuis le 22 mars. Enfin, pas vraiment 26 du coup…
C’était une toute autre affaire. Un poil plus radicale Marie. Elle s’est exprimée sur le sujet au cours d’une première allocution sur Facebook, en mode: « Français, Françaises, mes chers compatriotes. J’ai pris la décision d’annuler mon 26ème anniversaire qui a lieu ce dimanche. Celui ci sera reporté de 2 ou 3 mois suivant les recommandations sanitaires. Je sais que je vous demande un sacrifice, mais ne cédons pas à la panique des demis experts, des faux sachants. Il y aura bien un temps pour me couvrir de cadeaux. Vive la République et vive mon anniversaire. »
Malgré les consignes, pourtant claires, de ne pas lui fêter son anniversaire ce dimanche, elle a quand même vu des proches agir « comme si, au fond, la vie n’avait pas changé. » L’obligeant à intervenir une seconde fois, le jour de son non-anniversaire, reportant l’événement au 22 mai.
Alors elle nous a donné quelques conseils pour un bon « non anniversaire »: cuisiner des cookies, éviter de faire un gâteau qui pourrait nous donner envie de souffler des bougies. «Si tu es trop nostalgique de l’époque où tu pouvais fêter ton anniversaire le jour même, occupe toi l’esprit, range tes placards.» Et surtout, conseil ultime: manger son dessert préféré, petit suisse et compote pommes bananes pour Marie.
Je me suis dit que j’allais quand même give it a try, en ce 5 avril 2020, journée de mes 23 ans. Youhou.
J’ai décidé de laisser faire les choses, d’arrêter de tout prévoir, de tout anticiper. S’il y a bien une chose que je retiens de cette période super étrange, c’est bien ça: essayer de profiter de ce que j’ai, autour de moi, là maintenant. De l’instant présent, en somme.
Alors qu’est ce qu’il m’a apporté l’instant présent? Une belle journée, avec les gens que j’aime. Une belle journée ensoleillée. Une calme journée, à la fois déconnectée et complètement ancrée dans ce que l’on était en train de vivre.
Fêter son anniversaire dans ces conditions si spéciales… c’est:
-Se rappeler à quel point je suis chanceux
-Se faire livrer des colis surprises au portail de la maison
-Relativiser, encore, beaucoup, toujours
-Ressentir la distance, plus que jamais
-Sortir de sa routine confinement, le temps d’une journée
-Se voir rappeler, 127 fois, qu’effectivement, tu es confiné le jour J…
-Se promettre de fêter ça proprement, un jour
Et puis, je me suis couché.
Une fois dans mon lit, la réflexion a débuté. Comme si la position horizontale enclenchait instantanément en moi cet instinct introspectif qui peut vite devenir intense, surtout ces temps-ci. J’ai appris que le bar Jupiler offrait 10 bières à toutes les personnes confinées pendant leur anniversaire. 10 bières à consommer avec les gens que j’aime, dans mon bar préféré, un jour, peut-être. Ça m’a rappelé l’insouciance des précédents mois, d’une époque pas si lointaine où notre seule préoccupation était de savoir si oui ou non, on en reprenait une. Et je me suis dit que ça allait aller… Lâchez pas et passez de beaux anniversaires malgré tout!