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Aline Laurent-Mayard : « Il n’y a pas de masculinité saine, il faut juste en finir avec le genre. »

Attention : il est surtout question de Timothée Chalamet dans cet article. #SorryNotSorry.

Par
Daisy Le Corre
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Certain.e.s la connaissent pour son podcast “Free From Desire” (on en profite pour vous mettre Gala dans la tête), d’autres la découvriront pour sa saine obsession envers Timothée Chalamet avec son ouvrage : Libérés de la masculinité: comment Timothée Chalamet m’a fait croire à l’homme nouveau. Une chose est sûre, Aline Laurent-Mayard ne laisse personne indifférent. Un peu comme Timmy, les haters en moins. On a Zoom-Zoomé avec la principale intéressée.

Pourquoi consacrer un livre à Timothée Chalamet ? Tu as eu un crush ?

En tant que personne asexuelle et aromantique, je ne peux pas parler de “crush” à proprement parler. Mais j’ai déjà rougi plusieurs fois en regardant des vidéos de lui, c’est vrai ! J’ai eu une attraction et une curiosité pour cet acteur, d’abord parce qu’il joue incroyablement bien mais aussi parce que j’ai découvert une personne humble et touchante.

C’est la première fois que ça t’arrivait ?

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Quand je regarde Robert Redford, je rougis un petit peu aussi ! (rires) Mais aucun rapport avec Timothée. Ce qui était étrange c’est que dans ma vie amoureuse et sexuelle, je suis plus attirée par les femmes en général… J’étais un peu gênée de glousser face à Timothée ! Je me demandais ce qui se passait ! Timmy a motivé mon envie de creuser le sujet. C’est vraiment le contenu sociétal autour de lui qui m’intéresse. Pourquoi moi j’ai été aussi à fond sur lui alors que je suis asexuelle et aromantique… Pourquoi tout le monde le kiffe ! Ou presque. Parce que Timothée divise aussi beaucoup : certain.e.s ne lui trouvent absolument aucun intérêt…

Est-ce qu’il casse réellement les codes/les règles ? Ou est-ce qu’il est juste au bon endroit au bon moment ?

Avant lui, il y a eu Sinatra, qui était très très mince voire carrément maigre. Il avait une aura envoûtante aussi. Mais à cette période, l’androgynie était encore vue comme un défaut. Et à l’époque, quand il y avait une quelconque “mania”, c’est parce que l’artiste dégageait quelque chose de perçu comme féminin : par exemple, Elvis Presley, quand il bougeait son pelvis… (rires) C’était vu comme hyper féminin ! Mais il y avait un truc très viril en même temps !

Et Prince ?

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Prince avait une aura très sexuelle, c’était une “bête de sexe” et c’était valorisé. Mais tous les héros du glamrock comme Prince ou Mike Jagger avaient des attitudes de mise en scène où la féminité était surjouée. Sauf que du côté de Timothée, on n’a pas l’impression qu’il surjoue la féminité, mais que c’est juste une partie de sa personnalité. Tout comme son style : Timothée est atypique dans le sens où il suit ses envies vestimentaires sans se soucier de savoir si c’est féminin ou masculin. Pas pour se travestir mais parce que ça lui plait.

D’ailleurs, en parlant des “héros du glamrock”, certains d’entre eux n’étaient pas hyper clean (c’est le moins qu’on puisse dire) avec les femmes…

Carrément pas clean ! On se souvient de Mike Jagger, et des histoires glauques qui l’entourent où on raconte qu’il a couché avec des mineures que certains videurs lui apportaient “sur un plateau” à la fin de ses concerts, etc. C’est hallucinant. De son côté, je trouve que Timothée Chalamet n’a rien fait pour être sexualisé.

Timothée Chalamet n’a pas (encore) de “dossiers” comme ça ?

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On n’a pas assez de recul, mais on n’a pas de contrecoup de la sorte encore. À part le fait qu’il aurait peut-être filé la chlamydia à une partie de son campus (ndlr, on en profite pour vous rappeler de mettre des capotes par respect pour vous et vos partenaires)… Mais on n’a pas de preuves concrètes.

On parle beaucoup de masculinité toxique. Mais selon toi, qu’est-ce que serait une masculinité saine ? Il faudrait la jouer comme Timmy ?

Je n’aime pas cette idée de masculinité toxique qui sous-entend qu’il y a une masculinité positive, comme s’il n’y avait pas qu’un type d’hommes à changer ou à tuer, selon notre niveau de radicalité (rires). Je ne suis pas d’accord avec ça, le problème c’est qu’il existe une masculinité et une féminité, et le fait qu’on divise les êtres humains en deux en estimant qu’un groupe est supérieur à l’autre. À partir du moment où on garde cette idée que les femmes et les hommes sont différents, ça ne fonctionnera pas. Ce qui est important c’est de faire disparaître le genre !

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À l’ère post #metoo, qu’est-ce qui fait bander/mouiller les “femmes” ? Quels sont les nouveaux codes sexuels ?

En tant qu’asexuelle, je fonctionne sur l’ambiance ! Quand je suis excitée, c’est souvent pour une ambiance et jamais pour une personne. L’ambiance, ça s’appelle L’ÉGALITÉ et c’est super sexy ! (rires) Tout comme le respect, l’écoute, la délicatesse, etc.
Sur le petit écran, il y a un phénomène à l’heure actuelle où les personnages de comédies romantiques, notamment adolescentes, sont très différents de ce qu’on a vu avant. Si on regarde les personnages des comédies des années 80, les mecs étaient toujours des gros bâtards ! Du moins, des personnes qui manquaient d’empathie et qui se comportaient mal avec les femmes, avec toujours une culture du viol sous-jacente. Souvent, le problème dans les comédies romantiques, c’était cette incompréhension entre les hommes et les femmes… Comme s’ils ne parlaient pas le même langage. En ce moment, on voit que ça change ! Dans To All the Boys I’ve Loved Before, par exemple, c’est la première comédie romantique où le mec est absolument charmant ! Le coup de ramasser le bol de céréales avant de faire une bataille de coussins avec la petite sœur de sa copine : MAIS C’EST QUEL NIVEAU D’EMPATHIE ! Il était temps. Ça illustre une envie de faire autrement. Et dans Normal people, on a vu le futur des scènes de sexe : la série montre comment on peut demander le consentement de quelqu’un et combien c’est sexy. Ça montre que c’est facile et possible. Ça fait du bien.

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Est-ce que t’as confiance en l’avenir sur l’égalité des genres (même s’il faudrait les abolir) ?

Je suis de nature positive, alors je trouve qu’on est sur une ligne intéressante même si elle décroche par moment. Mais depuis un siècle, on obtient de plus en plus de droits malgré les retours de bâton successifs. On a dépassé une barre qui n’avait jamais été dépassée jusque-là. Même la haine contre les drag queen, je la trouve “intéressante” : c’est un signe que les hommes sont en train de repenser leur peur maladive de la féminité, cela marque quelque chose de significatif. Le féminin n’est plus drôle mais attrayant. Ça change tout !

Comment faire pour parvenir à une construction culturelle plus saine de la masculinité ? Dès l’enfance, que faut-il faire pour ne pas que nos enfants deviennent des gros cons ?

C’est le sujet de mon prochain-prochain livre (rires) et de mon prochain podcast aussi (“Bienvenue bébé”, 9 épisodes) où je m’interroge sur ce que je peux faire pour protéger mon enfant de tous les stéréotypes de genres. Et que mon enfant ne soit pas coincé dans des cases, pas limité par son genre assigné à la naissance. La clef c’est de commencer par les enfants qui sont là ! Et d’éduquer les générations à naître. Il y a plein de choses à mettre en place qui sont faciles à faire SI ON EN A ENVIE ! Mais plus on sera nombreux.ses à le faire et à mont(r)er un contre-modèle, mieux ce sera. Et c’est important pour nos enfants aussi. Dégenrer les toilettes, ne pas genrer les enfants, enlever les genres des papiers d’identité, bref : enlever l’importance qu’on accorde au genre, c’est déjà un grand pas. Il ne faut rien lâcher.

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