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Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils et elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.
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À 10 ans, j’emménage chez ma mère après la séparation de mes parents. Je découvre une nouvelle ville et un tout nouvel environnement. Je viens de finir mon CM2, et je ne connais encore personne.
Mon quotidien : passer mes journées sur la Play, de midi à 5 heures du mat’. Mais la rentrée arrive, avec encore des nouveautés : le collège, la classe de sixième, les gens. Je me fais vite un groupe de potes.
Mais cette année-là, je subis mes premières insultes, toujours les mêmes : « Pouilleux » ; « Crasseux » ; « Va te laver. » Je ne calcule pas, espérant que ça se tasse. L’année d’après, c’est pire. Je comprends que ce n’est pas normal, alors j’en parle à ma mère.
Du harcèlement à la maltraitance
Le lendemain, je suis convoqué par le CPE. Je crois au début que c’est au sujet du harcèlement, mais il me pose une question qui est restée à jamais gravée dans ma tête : « As-tu des problèmes d’hygiène à la maison ? »
Je suis sous le choc, je réponds par la négative. Il m’apprend alors que plusieurs élèves se sont plaints de mon odeur. Je ne comprenais rien. J’étais dans le déni.
Après ça, le harcèlement s’est poursuivi jusqu’à ma troisième. J’ai fait une grosse dépression. Je faisais semblant d’être malade pour ne pas me rendre en cours. Quand j’étais au plus mal, j’allais jusqu’à me mutiler.
Passage au tribunal
Le pire, c’est que je me sentais tout aussi mal à la maison. Je m’embrouillais très souvent avec ma mère et mon beau-père. Souvent à cause de conneries.
À la maison, c’était toujours le bordel. Rien n’était rangé. Ma mère a fini par se faire convoquer par les services sociaux. Une assistante venait alors me rendre visite régulièrement pour savoir si ça se passait bien.
Un jour, mon frère et son copain, mon beau-frère, se sont proposés auprès de l’assistante pour prendre soin de moi et m’accueillir chez eux, comme une sorte de famille d’accueil.
Ils m’ont beaucoup rassuré, m’ont dit que ça n’était pas moi qui puait, mais mes vêtements qui devaient être lavés. On est passés devant un tribunal. Mon frère a récupéré ma garde et m’a adopté. À ma plus grande joie.
Chez mon frère
Je ne peux pas dire que j’ai une adolescence normale car je vis quand même chez mon frère et je suis obligé de voir ma mère deux fois par mois. La première semaine du mois, on va chez elle, ensuite il y a une pause d’une semaine, et la troisième semaine du mois c’est elle qui vient chez nous, et ainsi de suite. Cela me convient parfaitement.
Ça fait un an et demi que je vis dans la maison de mon frère et de mon beau-frère. Chez eux, je respire plus, j’ose sortir dehors, j’ai une vraie vie sociale.
Mon frère fait tout ça pour moi alors qu’il n’a que 26 ans. Lui et mon beau-frère font tout pour que je vive normalement. Aujourd’hui, je me sens très bien et j’espère que cela va continuer.
Je ne sais pas si ma mère a changé, mais je m’en fiche qu’elle soit restée au même point. C’est sa vie, pas la mienne.
Beni, 15 ans, lycéen, Hauts-de-France.