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Adaptations de séries en français : pour le meilleur ou le pire ?
Hasard du calendrier, deux séries sont arrivées à l’antenne en quelques jours, avec un point commun : ce sont des remakes français de séries étrangères. Je te promets est l’adaptation de l’américaine This is Us. En Thérapie est celle de l’israélienne Betipul, déjà adaptée aux Etats-Unis en In Treatment. Est-ce que cela signifie qu’on manque d’inspiration en France, ou il y a une autre bonne explication ? Décryptage.
Avant tout, preuve que les chaînes n’ont pas tapé à côté, les deux séries ont réalisé un carton pour leur première diffusion : 5 millions de téléspectateurs pour TF1, 2 millions pour Arte. Succès prévisible ou véritable prise de risque ? Pour TF1, on peut certainement miser le succès des deux premiers épisodes sur l’effet de comparaison. Et ça n’augure pas du meilleur. Bizarrement, l’original This Is Us, diffusé sur M6, ne cartonne pas, avec en moyenne 2 à 3 millions de téléspectateurs seulement à chaque diffusion. Mais ça ne semble pas empêcher d’avoir une grosse communauté qui défend la série. Beaucoup regardent le show en VOST dès le lendemain de sa diffusion américaine, il y a donc certainement un gros effet streaming illégal. Bref la sauce n’a jamais véritablement pris pour un public « traditionnel » et assez important en France. C’est une bonne et une mauvaise nouvelle pour TF1. Mauvaise parce que cela limite l’engouement potentiel pour son remake, bonne parce que ça laisse une grosse marge de public vierge sur le sujet, qui peut donc découvrir la série sans se soucier de l’original. Manque de pot, lors de la première soirée, si le marketing a très bien fonctionné, attirant 5,5 millions de téléspectateurs pour le premier épisode, les retours sur les réseaux sociaux ont été assez négatifs, notamment pour tous ceux qui ont fait la comparaison. Ça a lancé un mini « bad buzz » sur Twitter, le show étant un des plus discutés sur le réseau social, mais en mal. Et il semble que le public ait progressivement décroché : 1 million de moins pour le deuxième épisode. Pourtant, TF1 avait tout fait pour éviter la fuite du public, en ne proposant qu’une pause publicitaire au lieu des 3 habituelles lors de ses soirées séries. Il faudra voir comment la série se comporte dans les prochaines semaines, entre baisse annoncée du public en direct, et consommation en replay. En deuxième semaine, la série a affiché une audience de 4 millions, ça baisse. Mais globalement, la série peut être considérée comme un succès si elle se maintient autour des 4 à 5 millions en J+7 (direct plus replays). Et espérer ainsi s’offrir une saison 2, qui pourra peut-être s’éloigner de plus en plus des scripts américains.
Mais alors, pourquoi ne pas diffuser les originaux, s’épargner des coûts de production et attendre le même succès ?
C’est pour En Thérapie que le mot « adaptation » prend tout son sens. Les auteurs ont décidé d’appliquer le principe de la série – des face-à-faces entre thérapeute et patients – à un contexte proprement français, en plaçant l’intrigue au lendemain des attentats de novembre 2015. Un moyen d’analyser notre société, et un coup de grâce, puisque cela fait terriblement écho à la situation actuelle liée aux confinements/couvre-feux : tout ce qui nous manque. Le rapport humain, ce qu’on aime, ce qu’on déteste en nous. Pas besoin d’avoir suivi une psychothérapie pour apprécier la série, et c’est ce qui en fait son sel. Tout comme la première version, israélienne, et son remake américain avec Gabriel Byrne. Mais alors, pourquoi ne pas diffuser les originaux, s’épargner des coûts de production et attendre le même succès ? D’abord, comme pour chaque pays, le public préfère suivre une fiction dans sa propre langue. Même si le produit est bien doublé. D’où les remakes. Mais c’est aussi l’occasion pour les chaînes d’investir dans leurs obligations de productions nationales et européennes, même en allant chercher une bonne idée américaine ou extérieure. Point non négligeable pour les producteurs et diffuseurs : ils sont propriétaires et peuvent donc revendre en deuxième fenêtre de diffusion ce programme, à la place de la série originale, pour remplir les différentes grilles de diffusion. Et aider aussi les autres chaînes européennes à diffuser de la fiction du continent. Et à une période où les catalogues de droits deviennent une vraie manne, c’est aussi intéressant pour revendre aux différents streamers (Netflix, Amazon Prime, etc.).
N’oublions pas que Friends a aussi eu droit à son adaptation française, même si elle n’avait rien d’officiel. Et c’était produit par AB productions.
Le phénomène des adaptations de formats étrangers n’est d’ailleurs pas nouveau. R.I.S. qui cartonne depuis plus de 10 ans sur TF1 (et est multi-diffusé sur ses antennes) est l’adaptation d’une série italienne. Tout comme Scènes de Ménages ou Les Bracelets Rouges sont des adaptations de formats espagnols. TF1 encore a tenté d’adapter The Fall ou Dr Foster en Infidèle. Ce sont plus souvent des mini-séries que des séries de networks ou long cours. Mais certaines sont confirmées comme de vrais succès depuis un moment, et se poursuivent, comme Sam avec Natacha Lindinger et Fred Testot sur TF1, adaptation d’une série danoise. Et si Skam France s’appelle ainsi, c’est tout simplement parce qu’elle est adaptée de la version norvégienne. Mais une des premières fois, c’était Maguy, que vos parents ont dû regarder le dimanche soir des années 80, avec Rosy Varte. Une adaptation de la série anglaise Maude. Avec le succès qu’on connaît : ça a duré des années !
N’oublions pas que Friends a aussi eu droit à son adaptation française, même si elle n’avait rien d’officiel. Et c’était produit par AB productions. Ça s’appelait Les Années Bleues (ne me demandez pas pourquoi), et ça respectait deux ou trois codes de l’original : 6 amis, 3 garçons et 3 filles, dans leur vingtaine, et qui se retrouvent au café cool en bas de chez eux. Sauf que ce n’était pas le même rythme : un épisode par jour quand les Américains avaient le temps d’en produire un par semaine. Du coup, ça n’a duré que 22 (pas très bons) épisodes.
Le plus gros succès de l’année dernière sur Canal+ est une adaptation d’une série américaine : La Flamme.
Il arrive parfois cependant que les adaptations soient des échecs. Ou plutôt, comme dirait Emmanuel Macron, que « ça n’a pas marché ». La série anglaise Broadchurch a ainsi cartonné des deux côtés de la Manche lors de leur diffusion, rassemblant plus de 6 millions de téléspectateurs sur France 2 pour sa saison 1. Son adaptation française, Malaterra, avec pourtant l’excellent Simon Abkarian, n’a pas déplacé les foules (3,5 millions), et n’a ainsi pas été renouvelée, au contraire de son modèle. Ou Le Bureau, adaptation mollassonne de The Office sur Canal+, avec François Berléand. La chaîne cryptée a appris de ses erreurs pour adapter la série nordique Bron, qui devient une version franco-anglaise Tunnel, avec succès. A tel point que le plus gros succès de l’année dernière sur Canal+ est une adaptation d’une série américaine : La Flamme. Jonathan Cohen et son équipe ont réussi à mettre leur patte pour adapter la série Burning Love, et les meilleures scènes et meilleurs épisodes sont ceux qui n’ont rien à voir avec l’original.
Parfois, les séries n’ont même pas besoin d’être adaptées pour cartonner, comme Le Bureau des Légendes, Baron Noir, Dix Pour Cent ou Lupin, qui cartonnent dans le monde en langue française.
Autre très gros succès français : Un Gars Une Fille. Eh bien c’est tout simplement une série canadienne au départ, et le très connu Guy A. Lepage a participé à l’adaptation française qui a révélé Jean Dujardin et Alexandra Lamy.
Et à l’inverse, les séries françaises sont-elles adaptées à l’étranger ? Si on reste du côté des programmes courts, Caméra Café a connu plusieurs dizaines d’adaptations partout dans le monde. Et Les Revenants avait aussi connu une belle adaptation aux Etats-Unis, comme d’autres. Alors pas de complexe, la France sait se vendre aussi. Parfois, les séries n’ont même pas besoin d’être adaptées pour cartonner, comme Le Bureau des Légendes, Baron Noir, Dix Pour Cent ou Lupin, qui cartonnent dans le monde en langue française.
Si vous voulez commencer à préparer vos agendas, sachez que TF1 a fini le tournage de l’adaptation française de l’excellente série anglaise Luther. Les interprètes français auront-ils le charisme d’Idris Elba et ses camarades ? Les audiences seront-elles plus fortes que lors de la diffusion de l’original sur France 2 ? À suivre de près…