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À Paris, des gamins tabassés par la police

En 2023, devant le Conseil d'État.

Par
Cha Toublanc
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Alors qu’hier soir, les richissimes fashion privatisaient le Pont Neuf pour le premier défilé de Pharrel Williams pour Louis Vuitton, à 800 mètres de là, devant le Conseil d’Etat, des jeunes mineurs étrangers, accompagnés de bénévoles associatifs, se faisaient tabasser et gazer.

Aux alentours de 20 heures, alors que la journée internationale des droits des réfugiés touchait à sa fin, 450 jeunes ont déposé leurs tentes devant le Conseil d’Etat pour alerter sur leur situation. Ils sont plus de 700, de 28 nationalités différentes, à occuper une école désaffectée du 16ème arrondissement depuis deux mois. Sans accès ni à l’eau ni à l’électricité. Leurs conditions de vie devenant de plus en plus dangereuses, les migrants et Utopia 56, l’association qui les accompagnait, ont décidé de quitter les lieux. Sans qu’une solution d’hébergement n’ait pu être trouvée.

Cognés au visage, traînés au sol et gazés au spray lacrymogène

À Paris, les fontaines publiques servent de l’eau pétillante mais le droit constitutionnel à avoir un logement décent n’est pas appliqué.

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Peu de temps après le début de l’action, la police a nassé la place. Les 150 bénévoles des associations présentes (Utopia 56, Centre Tara, Timmy et Les midis du mie) ont alors formé une chaîne humaine pour protéger les jeunes. « Les exactions ont commencé rapidement : de petits groupes de policiers pénétraient la masse pour en extraire violemment les personnes », explique Nikolaï Posner, coordinateur plaidoyer Utopia 56.

Un déchaînement de violences “psychologiques comme physiques” va alors s’abattre sur les jeunes migrants et bénévoles. Ils sont cognés au visage, traînés au sol et gazés au spray lacrymogène. Les représentants de “l’ordre public” piétinent leurs tentes et bouteilles d’eau. Le tout, parfois, en riant et criant : « Rentrez chez vous ! ».

« Les député.es qui étaient présent.es ont aussi été projetés par terre et des avocats ont été tirés par les cheveux, explique Nikolaï Posner. Moi-même, alors que je me tenais un peu à l’écart, je me suis pris deux coups dans la gorge d’un policier et on m’a arraché ma chemise. »

« Casse-toi ! Ça va être vilain »

Le photographe Tulyppe, de l’agence Encrage, fait partie des nombreux journalistes à avoir été frappé par les forces de l’ordre. « Aux alentours de minuit, une personne se faisait arrêter et les gens autour criaient que c’était un journaliste. Je me suis approché et j’ai posé ma main sur la personne, raconte-il. Tout de suite, j’ai pris un coup de poing par un policier hyper agressif et excité de la Brav-m. Quand je reprenais mon souffle, des CRS sont arrivés pour nasser et ramener au métro les dernières personnes présentes sur la place. L’un d’entre eux m’a dit : « Casse-toi ! ça va être vilain ». »

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« Quatre jeunes se sont évanouis dont un en convulsant », rapporte le coordinateur plaidoyer d’Utopia 56. Une des conséquence de l’usage d’un gaz classé “arme chimique” par les Nations Unies qui peut aussi, entre autres, conduire à des hémorragies internes et des œdèmes pulmonaires (trou ou bulle d’air dans le ou les poumons). Trois de ces jeunes ont été transportés à l’hôpital. 30 autres ainsi qu’une dizaine de bénévoles ont été arrêtés.

« Est-ce que ces policiers qui se prennent pour des caïds savent que certains des jeunes qu’ils violentent ont subi la tortures et les réseaux de traites humaines avant d’arriver en France ? Ils leur ont fait subir une violence bien supérieure à celle que l’on a pu voir en manifestation retraite car ils étaient face à des étrangers. D’ailleurs, les bénévoles ont été libérés avant les jeunes », soupire Nikolaï Posner, avant de souligner, oh surprise, que les forces de l’ordre votent majoritairement pour l’extrême droite. Plusieurs manifestations organisées par Reconquête et les “Natifs” se sont d’ailleurs tenues durant le printemps devant l’école où vivaient les jeunes.

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Tous les migrants n’ont pas encore été relâchés par la police. Utopia 56 espère qu’ils ne seront pas conduits en centre de rétention administrative. Tous étaient en attente d’une décision de justice pour statuer au sujet de leur minorité et donc de leur protection par l’Etat. Selon le droit international, la France est censée respecter cette présomption de minorité.

Cinq heures après le début de l’intervention, la police a évacué la place puis escorté, “à marche forcée”, les migrants jusqu’au 11ème arrondissement. Les associations ont alors obtenu 3 heures de repos dans le parc Jules Ferry où une distribution alimentaire a pu s’organiser. « Les jeunes sont dans des structures d’accueil pour la journée. Ce soir, nous allons les récupérer mais nous n’avons pas encore de solution d’hébergement », déplore Nikolaï Posner.

« Jusqu’à présent, il n’y avait jamais eu un tel niveau de violences. En novembre 2020 déjà, la répression de notre action place de la République avait été importante mais Emmanuel Macron l’avait condamné en déclarant qu’il ne faut pas déloger des personnes sans solution de mise à l’abri. » Après s’être assis sur les droits de l’Assemblée, le gouvernement français a-t-il décidé d’écraser ceux des mineurs ?

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