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À l’électeur de Mélenchon qui votera pour Le Pen ce 24 avril 2022
Tu fais partie des 28% des électeurs de Mélenchon qui voteront pour elle, au second tour. 28%. Je l’ai appris en écoutant cette chronique sur Europe 1, j’ai même réécouté la séquence plusieurs fois pour être sûre de ce que j’entendais. Et oui, c’est bien ça : 28%. C’est énorme. Impensable.
À l’heure qu’il est, mes grands-mères bretonnes socialistes doivent se retourner dans leurs tombes. Je me souviens encore de leurs yeux au ciel quand elles voyaient Le Pen apparaitre sur les écrans de télé. Les temps ont bien changé depuis.
Comment est-ce possible ? En 2022, comment peut-on envisager, ne serait-ce qu’une seule seconde, de ne pas faire barrage à Le Pen ? Pire : qui est assez déconnecté de la réalité pour lui donner consciemment une voix ?
Je m’en souviens, comme si c’était hier, de ce 21 avril 2002. Sur le vieux poste télé de ma grand-mère paternelle, au fin fond des Côtes d’Armor (tapez Kerbouzard dans Google pour voir), le gros visage pixellisé de celui-dont-on-ne-citera-pas-le-nom père apparaissait. « GAAAAAAST !! (ndlr, ça veut dire “putain” en breton). Quelle ordure ce con là. J’aime pas Chirac, mais pas le choix, y’a pas photo à côté de l’autre fou ». Elle n’y allait pas avec le dos de la cuillère ma grand-mère, elle en avait ras le bol de ces « guignols » d’extrême droite qui, à ses yeux, n’avaient rien des nationalistes bien-pensants qu’ils prétendaient déjà être. « Sa tête me rappelle le bruit des bottes boches dans ma cour, ça me suffit pour m’empresser d’aller voter tant que je le peux », racontait ma grand-mère, hantée par la guerre et ses atrocités. Pour cette génération, le danger de l’extrême droite était bien réel. Et on ne perdait pas une minute à lire leur “programme”. « Propagande nazie », selon ma grande-daronne. Elle n’avait pas tort.
Toi, électeur de Mélenchon, toi qui t’apprêtes à voter pour Le Pen ce 24 avril 2022, parce que tu ne peux plus encadrer l’actuel résident de l’Élysée pour X raison(s), tu ne penses pas comme ma grand-mère. Loin de là. Derrière ton écran, tu te crois peut-être à l’abri, attendant sagement de voir ce que ça pourrait donner l’extrême droite au pouvoir en France. J’ai presque envie de te faire un dessin.
Tu as l’audace de croire aux miracles et le culot de mélanger des valeurs fondamentales. Celles qui devraient prévaloir sur toutes les autres, et que la reine-mère Le Pen prendra soin de salir si elle est élue : la liberté, l’égalité, la fraternité/sororité. Il lui en faudra peu pour changer de cap, et relancer son tiercé gagnant : travail, famille, patrie. Cocorico. Retour à la case départ.
Tu as l’audace de croire que voter pour elle, c’est voter contre lui. Mais c’est contre toi que tout se jouera si jamais elle se retrouve à la tête de son royaume. On l’habitude de dire que les extrêmes se rejoignent, mais pas cette fois. L’extrême gauche n’a rien de l’extrême droite. On ne récoltera rien d’un vote sous le joug de la colère, de l’amertume et du déni.
J’entends bien ta colère silencieuse. Je partage même certaines de tes opinions mais pas ta (fausse ?) naïveté à l’égard de l’extrême droite : IL FAUT LUI FAIRE BARRAGE, POINT BARRE. C’est peut-être parce que j’ai la chance (pour une fois) de faire partie de la communauté LGBTQ+ que Le Pen me fait bien trop flipper pour la voir autrement qu’elle n’est vraiment : un requin blanc. Qui serait assez fou pour se mettre dans la gueule d’un tel monstre ? L’horreur absolue.
Qu’importe que Macron ne soit pas “mieux” qu’elle. L’heure n’est pas à la comparaison, mais à dire NON aux fachos et à toute leur clique qui, au quotidien, peuvent rapidement effacer la douce France de notre enfance.
Soit dit en passant, elle n’a pas de recette miracle pour renflouer ton compte en banque le mois prochain, pas plus que lui. Elle n’a pas de recette magique pour stopper la pandémie, pas plus que lui. Elle n’a pas de pouvoirs surhumains pour freiner la crise climatique, pas plus que lui. Elle a de belles paroles et un certain charisme, comme lui.
En revanche, elle a le pouvoir de changer une démocratie en r égime fasciste, pas lui.
La démocratie n’a pas de prix, préservons-la.
Aux urnes, citoyen.nes, en votre âme et conscience. (R)Éveillez vos esprits.