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À la recherche du chat perdu (ou mort)
Si votre chat ou votre chien est écrasé par une voiture après avoir disparu, que se passe-t-il ? Qui récupère son corps ? Que devient-il après ? Est-il possible de le récupérer ? Pour y répondre, je vous emmène à Marseille.
Ce soir-là Fripouille n’est pas rentré. Mon vieux chat de 14 ans vit à Marseille avec mes parents depuis que je suis parti m’enfermer dans un studio à Paris. Entouré d’amour, de bienveillance et d’humains qui le nourrissent, Fripouille vivait sa meilleure vie. Habitué aux appartements, il y a découvert la liberté de vagabonder et de se perdre. Ce qui a obligé mes parents à régulièrement tapisser le quartier d’affiches.
Mais ce jour-là, personne ne l’avait vu. Ni la voisine qui nourrit tous les chats du quartier, ni les gamin·es qui imitent JuL sur la place de l’Eglise, ni même le boucher que les chats du coin adorent. Le vent commençait à arracher les affiches, et nous, nous commencions à désespérer de le retrouver. A moitié aveugle et insuffisant rénal, on savait qu’il ne tiendrait pas longtemps seul. Sept jours après sa disparition, une photo arrive sur le téléphone de ma mère. Un corps de chat mort, probablement fauché par une voiture. Cela pourrait correspondre. Mais sur la place de l’église, son corps n’est plus là. La voisine, qui a pris ce cliché, dit ne pas savoir qui l’a ramassé.
À la poubelle ou dans un congélateur
Commence alors deux jours d’errance pour savoir où les corps des animaux morts finissent à Marseille. Pour la mairie de secteur, son corps est soit dans un congélateur de la société Sacpa, soit à la poubelle, ramassé puis jeté par une personne lambda. « Ça arrive souvent, reconnaît la mairie de secteur. Les gens n’ont pas envie d’avoir un cadavre devant leur porte et ne savent pas qu’il existe un service pour signaler les animaux morts dans l’espace public. »
En l’occurrence à Marseille, pour les animaux de moins de 40 kilos, “les services de la Mairie missionnent le prestataire fourrière, la Sacpa, qui intervient dans un délai de 24h, précise le service de communication de la Mairie de Marseille. Ce délai est ramené à 1h30 pour les cas d’urgence (ex : cadavre au milieu d’une voie de circulation). (…) Concernant les carnivores domestiques, notre prestataire (…) observe un délai de garde de 8 jours francs ouvrés et prend toutes les dispositions afin de retrouver le propriétaire de l’animal mort.” Au-delà de 40 kilos, le ramassage des animaux morts relève de la compétence de l’Etat.
Une course contre la montre
Partons du principe que Fripouille, mon “carnivore domestique”, n’est pas au fond d’une poubelle ou dans une décharge, mais qu’il a été ramassé par une personne de la Sacpa. Ce jour-là, Marianne* gère les appels. Elle est chargée de retrouver les propriétaires et de répondre à leurs angoisses. « Actuellement, on doit avoir une trentaine de chats dans nos frigos, reconnaît-elle. Cela va être long de retrouver votre Fripouille s’il n’est pas pucé. » Non, il n’est pas pucé me confirme le vétérinaire qui le suit. Quand il est né, on ne puçait pas les chats, et depuis, le vétérinaire n’y a pas pensé. Fripouille est tatoué mais avec un pelage banal. Celui d’un chat de gouttière.
« C’est très difficile ce travail, reprend Marianne*. On doit regarder les animaux dans tous les sens pour trouver des tatouages, des signes distinctifs quand ils ne sont pas pucés puis on doit chercher les propriétaires et leur annoncer le décès. Parfois certaines personnes veulent les récupérer. D’autres ne veulent pas les voir. Et comme on a huit jours pour trouver un ou une éventuelle propriétaire, avant que l’animal ne quitte nos locaux, c’est un peu la course contre la montre. »
Identifier le corps
Dans ces congélateurs, deux animaux pourraient correspondre à Fripouille. L’un avec un tatouage à moitié effacé, le second sans tatouage. « Est-ce que vous voulez venir identifier le corps ? continue Marianne*. Est-ce que vous avez une photo de votre chat pour que l’on puisse comparer ? Que voulez-vous faire ? » Je ne sais pas. Je n’avais pas envisagé l’idée d’ouvrir des congélateurs. « Avant de passer, envoyez-moi quand même la photo de votre chat mort, si une personne de l’équipe l’a récupéré, elle se souviendra probablement du lieu et de la position dans laquelle il était par terre. Même si on fait ça souvent, on ne s’y habitue jamais. »
Sur mon téléphone, deux photos arrivent, celle du chat dans le frigo qui pourrait être Fripouille, selon Marianne; et celle du chat écrasé prise par la voisine de mes parents. “J’ai sondé toutes les personnes qui travaillent ici, continue Marianne. Personne ici n’a le souvenir d’un chat mort dans cette position et dans ce quartier. Je suis désolé pour votre chat, il n’est pas chez nous. Il a probablement été mis dans une poubelle et ramassé par les éboueurs, ça arrive très souvent.”
Quelques jours plus tard, un vétérinaire nous appelle. Fripouille est chez lui. Il est réapparu sur le balcon d’une personne qui le lui a déposé. Après l’avoir cru mort, il s’avère que mon vieux chat est bel et bien en vie et qu’il va bien. Depuis, les affiches ont été enlevées et Fripouille n’ose plus mettre à une patte dehors. Quant à savoir où il était pendant sa longue absence, et qui était ce chat mort qui lui ressemblait, je cherche encore.