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A la découverte d’Isïa Marie

À écouter sans plus tarder.

Par
Bastien Loeuillot
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Bercée par la musique classique, Isïa Marie est une rockeuse qui écrit des chansons pop. En empruntant à tous les genres les codes qui l’intéressent, elle se crée son propre univers, « une sorte de nouveau trip-hop en français ». Accompagnée d’une énergie débordante, Isïa Marie sait ce qu’elle fait et ne manque pas d’ambition. Si vous ne la connaissez pas encore, c’est normal: vous êtes au bon endroit. Rencontre.

Comment s’est passé le confinement même s’il parait loin maintenant ?

Le confinement s’est bien passé parce que j’étais confinée dans mon studio de musique et de photo. Donc j’ai pu créer pendant tout le confinement. J’ai fait un album, en fait !

As-tu une méthode particulière pour travailler tes compositions et tes chansons ?

C’est du feeling, mais je constate qu’il y a des choses qui reviennent. Souvent, je me mets derrière mon ordinateur, je commence à faire des choses sans trop me poser de questions. Je fais ça tous les jours, je m’astreins à faire au moins trois heures de déambulation où j’essaye de créer des parties de guitare, des mélodies, etc. Au bout de ces trois heures, il y a forcément quelque chose qui ressort. Je le mets de côté, je le réécoute le lendemain et je trie. C’est un travail de fourmi tous les jours ! Ça m’arrive de faire des chansons qui me viennent comme ça, dans le métro ou même la nuit dans mes rêves. Mais je ne veux pas compter que là-dessus, que sur l’inspiration ou sur un supposé truc divin.

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Tu écris, composes, produis et interprètes tes chansons. Quelle partie préfères-tu ?

Ça, c’est une bonne question ! Moi, ce que j’adore faire, ce sont les arrangements, donc c’est de la production. C’est mettre les bons effets sur ma voix, traiter ma voix, mes guitares, mes effets ; c’est aussi aller chercher des samples que je triture, que je bidouille. J’adore faire ça, c’est de la cuisine !

Tu as commencé la musique quand tu étais petite en apprenant à jouer du piano. Tu as ensuite fait partie de groupes de rock, et aujourd’hui, tu fais de la musique pop. Quel a été le cheminement pour passer par tous ces styles de musique ?

J’ai commencé le piano classique très jeune puisque ma mère est pianiste et mon père trompettiste: ils se sont rencontrés au Conservatoire d’ailleurs. J’ai fait une dizaine d’années de piano classique et puis, à un moment donné, j’en ai vraiment eu marre parce que je sentais que le classique était un peu trop scolaire. J’avais vraiment envie de m’évader et j’avais surtout envie de faire mes propres chansons. Mais c’était quelque chose de très abstrait parce que personne ne m’avait appris à faire ça. J’ai commencé avec des groupes de rock au Conservatoire, j’ai trouvé des musiciens qui avaient le même âge que moi, qui avaient les mêmes envies donc on a commencé à jouer ensemble. J’ai joué dans des groupes de rock parce que je n’avais pas forcément l’assurance nécessaire pour faire mon propre projet. Je sentais que j’avais besoin des autres pour me pousser et avoir confiance. Un jour, j’ai senti qu’il était temps, que j’avais assez d’expériences pour faire mes propres chansons et les défendre sous mon nom.

Quel a été le déclic ?

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J’avais un groupe qui s’appelait Mante, avec les musiciens qui partagent la scène aujourd’hui avec moi. A un moment donné, j’ai senti que je ne voulais plus trop faire de compromis. Lorsque t’es dans un groupe, sauf si t’es tyrannique, tu dois écouter ce que les autres ont envie de faire, c’est ce que je trouve génial. Mais j’étais à un moment où j’avais envie d’aller au bout de mes idées et de savoir ce qu’il sortirait de ça. J’ai constaté que, lorsque je jouais en groupe, c’était très rock ce que je faisais. Mais dès que je me suis mise à faire de la musique toute seule, ça tirait surtout vers le cloud et le trip-hop.

Y a-t-il d’autres styles de musique que tu aimerais explorer ?

Le rap et la culture urbaine, c’est quelque chose qui m’a toujours attirée et je m’y suis mise, en incorporant des batteries trap à ma musique. Je me suis surtout occupée du beat: le beat urbain. J’ai commencé aussi à mettre de l’autotune sur la voix, mais avec parcimonie, sans forcer trop le trait. Je n’ai pas envie de faire du rap et que tous les codes soient là en même temps. Je préfère mélanger des choses, à gauche et à droite. Pendant le confinement, j’ai commencé à mélanger des influences trap dans les batteries, et des choses beaucoup plus pop dans la voix: dans le style de Mylène Farmer, avec des voix très aigües, et beaucoup d’air. Ce mélange a donné quelque chose qui me plaît bien, une sorte de nouveau trip-hop en français.

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Tu soignes beaucoup ton visuel, que ce soit tes vêtements de scène que tu fais faire, ou les photos de tes singles. Comment construis-tu ton univers visuel ?

Ça fait des années que je cherche des vêtements ou des visuels, et que je ne les trouve pas dans le commerce. J’ai commencé à travailler avec des stylistes et notamment avec une fille géniale qui s’appelle Poly Tuy qui a fait mes trois premiers costumes. Dernièrement, j’ai travaillé avec Marine Arnoul et sa boîte, Martian Agency. Je sais pas d’où ça vient mais ce qui est sûr, c’est que le cinéma est quelque chose qui m’attire beaucoup et je prête vraiment attention à la photo dans un film, au cadrage, à l’esthétique. J’aime bien quand il y a un parti pris très fort, alors j’ai toujours fait en sorte de m’entourer de gens qui avaient envie de m’aider dans ce sens, que ce soit au niveau des stylistes ou mon copain par exemple, qui est photographe/vidéaste. Donc on travaille beaucoup ensemble sur le visuel.

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Tu es très active sur les réseaux sociaux, où tu partages des morceaux que tu es en train de composer. Est-ce important pour toi de montrer au public les étapes par lesquelles tu passes avant de sortir une chanson ?

Oui, c’est quelque chose que j’ai compris il y n’a pas très longtemps. On vit à l’ère des réseaux sociaux et il faut s’en servir, surtout que je suis à nouveau indépendante depuis quelques mois, donc je n’ai plus la même force de frappe qu’avant, d’un point de vue promotionnel. Je me suis rendue compte que c’était très agréable de faire ça: je me suis laissée prendre au jeu. Du coup, j’ai un contact direct avec les gens et je crois que ça répond à leurs attentes.

As-tu vu une différence artistique depuis que tu es indépendante ?

Ouais carrément. J’ai été complètement traumatisée par cette expérience de production. C’est bien, ça m’a servie de leçon mais je ne referai plus du tout pareil. Le producteur ne pensait qu’aux radios, au commercial, et il a totalement laissé de côté ce que j’avais pu faire toute seule avant. Il fallait absolument faire du contenu destiné à un certain type de média. A un moment donné, je ne savais plus du tout qui j’étais ou ce que j’avais envie de faire. C’était un désastre, j’étais complètement vide. Le fait d’être redevenue indépendante et d’être toute seule face à mon ordinateur m’a permis de me rendre compte que j’étais beaucoup plus heureuse et que ce que je crée est plus vendeur car plus sincère.

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L’un de tes derniers singles, « C’est pas toi, c’est moi », parle des violences conjugales, que tu as subies. Pourquoi avoir décidé d’en faire une chanson ?

Je n’ai pas vraiment décidé d’en faire une chanson, c’est le genre de truc qui sort comme ça, sans qu’on le décide. Un jour, j’ai écrit ce texte, en un quart d’heure: la chanson était née. Je ne me suis pas vraiment posé de question, je l’ai laissée dans un placard et je l’ai ressortie pendant le confinement.

En voyant l’augmentation du nombre de violences conjugales pendant la crise du covid, je me suis dit qu’il fallait en parler. J’ai vu que c’était un sujet qui touchait beaucoup de gens et tout de suite j’ai senti un intérêt pour ça. L’association Women Lets Talk : Louder m’a contactée en me disant : « Super ta chanson ! Tu voudrais pas venir la chanter ? ». Donc je suis allée la chanter chez eux. En fait, je me suis rendue compte qu’il y avait moyen de faire quelque chose de profond qui pourrait aller au-delà de la musique.

https://www.youtube.com/watch?v=zj3A939llUo

Où en es-tu de la sortie de ton album ?

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Pour l’instant, je sors des singles les uns après les autres. Aujourd’hui, en 2020, sortir un EP, puis sortir un deuxième EP, et enfin sortir un album: tout le monde s’en fout. Pour l’instant, je sors des singles et je vois un peu comment ça se passe. Évidemment, j’ai un album qui est prêt et je pourrais sortir un EP, mais je ne sais pas encore quand. C’est aussi une question de moyens: si tu sors un EP mais que tu n’as pas les moyens de faire la promo correctement, c’est dommage.

As-tu déjà commencé à réfléchir à la façon dont vont se dérouler tes concerts, visuellement et musicalement ?

Oui, bien sûr parce que j’ai fait un live stream il y a un mois avec mon équipe, donc on avait monté une set-list de 45-50min, avec de nouveaux morceaux. Mais ce qui est sûr, c’est que je réfléchis au concept d’une histoire, certainement celle d’une fille qui a subi des violences, et qui va devenir de plus en plus forte pour reprendre le contrôle, etc.

Pour finir, avec quel artiste aurais-tu aimé collaborer ?

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Gainsbourg ! J’ai toujours admiré Gainsbourg, je trouve qu’il était ultra « thug » et qu’il en avait absolument rien à foutre. Il disait tout ce qu’il avait envie de dire, il était ultra-provocateur. Il était tantôt dégueulasse, tantôt ultra séduisant. Il n’y avait jamais de juste milieu avec ce mec, c‘était toujours dans un extrême ou dans un autre. Mais il était surtout extrêmement doué et cultivé, il nous a pondu les plus beaux textes de la chanson française. Au-delà de ça, c’était une personnalité incroyable.

Le mot de la fin ?

Venez écouter mes histoires sur Facebook, sur Instagram et venez me parler. J’aime bien parler avec les gens.