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À la découverte de Res Turner

Montez le son.

Par
Romain Amichaud
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Res Turner est un artiste indépendant. À la fois, graffeur, rappeur et slameur. Mais il est aussi devenu un activiste. Et on le comprend tout de suite en écoutant son dernier album Resist. À contre-courant du rap actuel, il nous livre un rap engagé avec des chansons abordant des questions de société, de sexisme, de harcèlement scolaire, de spécisme, de racisme, des réfugiés, ou encore d’environnement. Si vous ne le connaissez pas encore, c’est normal : vous êtes au bon endroit.

Peux-tu nous dire à quoi correspond ton pseudo Res Turner ?

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À la base, je suis graffiti-artiste. C’est comme ça que j’ai commencé dans la culture hip-hop. RES c’était mon premier blaze de graffeur que j’avais choisi pour l’esthétique des lettres. Je l’ai gardé quand je suis devenu rappeur. L’extension Turner est venue plus tard en lisant le livre d’Alex Haley, Racines, sur l’histoire de l’esclavage. Il y a un personnage historique dedans, Nathaniel Turner, qui a été le premier esclave afro-américain à créer un soulèvement. C’est un des évènements qui a entrainé la guerre de Sécession et plus tard l’abolition de l’esclavage. Je l’ai donc choisi pour le côté révolutionnaire et évolutionnaire qu’on peut retrouver dans ma musique. Et aussi pour mettre de l’avant ce personnage clé que l’histoire ne souligne pas ou très peu.

Peux-tu nous parler de tes débuts dans la musique ?

J’ai toujours baigné dans l’univers de la musique. J’ai grandi dans une famille qui est très évangéliste et musicienne. Mes oncles chantaient et jouaient de nombreux instruments. Mon grand frère aussi a baigné là-dedans et je m’imprégnais, comme une éponge, de tout ce qu’il écoutait. À un moment, j’ai bloqué sur le rap américain, je devais avoir 10 ou 11 ans. Dans les premiers rappeurs qui m’ont marqué, il y a eu Paris. Après des classiques comme Snoop Dogg et 2Pac que j’ai kiffés musicalement. Et assez vite après, j’ai commencé à découvrir du rap français : IAM, NTM. Je suis né en 1982, et j’ai grandi à Angoulême. Il n’y avait pas de FNAC, ni internet à l’époque. Pour découvrir des artistes rap, c’était compliqué. Il fallait vraiment se bouger le cul ! Après, j’ai pu découvrir Arsenik, le premier skud de Busta Flex que mon cousin m’avait ramené. Moi, il n’y a pas un artiste en particulier qui m’a influencé mais plutôt tous ceux que j’ai aimés.

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J’ai écouté du rap très tôt mais je me suis à écrire et à essayer de rapper assez tardivement. Vers 2003, j’ai commencé à écrire mes premiers textes. Petit à petit, et de rencontres en rencontres, j’ai réussi à évoluer jusqu’à acquérir un statut de rappeur.

Je voulais aussi aborder ton statut d’activiste. Est-ce que l’album Resist représente bien toutes les causes que tu défends ?

Oui, on pourrait le calquer sur beaucoup de points par rapport à mon artistique. Je suis activiste dans la culture hip-hop depuis longtemps. J’ai fait beaucoup d’ateliers pédagogiques aussi, pour transmettre et apprendre aux plus jeunes, entre autres. J’en ai même fait dans des maisons de retraite (rires) ! L’engagement dans diverses causes est entré dans ma vie il y a une dizaine d’années. Avant, je n’étais pas particulièrement engagé. C’est une tournée en Inde en 2009 avec mon ancien groupe Slave Farm qui a changé la donne. On a partagé des moments dans les slum (ndlr, bidonville en Inde), on est allés dans un pénitencier pour mineurs aussi. J’étais complètement chamboulé à lors de mon retour en France. Tout ce que j’ai vu là-bas m’a permis d’avoir de réelles prises de conscience, et il m’est apparu évident de les retranscrire à travers mon art, mon rap. J’avais envie de passer des messages forts.

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Est-ce que tu penses que le rap peut encore être un vecteur de changement pour les jeunes, entre autres ?

Le rap engagé, à caractère revendicatif, comme NTM qui était du rap révolutionnaire, est encore là en fait. Mais il est noyé dans tout le reste et pas mis en avant du tout. Pour être dans le rap depuis de longues années, c’est de plus en plus compliqué pour des artistes comme nous de mettre en avant notre musique et les messages qui vont avec. Les gros labels et les maisons de disques veulent des artistes qui ont déjà percé. Et les médias, ils s’en foutent ! (ndlr, sauf URBANIA). Les labels ne voudront pas véhiculer les sujets que j’aborde parce qu’ils n’intéresseront pas assez le « grand public » malheureusement.

Par contre, je fais ces sons aussi dans l’optique de faire des outils pédagogiques pour parler aux jeunes. Comme je fais beaucoup d’interventions dans les établissements scolaires, ça me permet d’aborder ces sujets avec eux par la suite. Je fais des shows et des débats citoyens dans une même intervention ! On a un grand besoin d’éducation. La musique est parfaite pour emmener des thématiques sérieuses, et en discuter par la suite avec ces jeunes-là. Je fais de l’impro avec eux avant, je les clashe pour m’amuser : il y a un respect mutuel qui s’instaure directement et ils sont réceptifs. Si je me mets à leur parler de harcèlement scolaire, de sexisme, de la cause animale, etc : ils vont m’écouter. C’est un aspect que j’essaye de développer de plus en plus parce que j’ai des résultats très positifs derrière.

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C’est très intéressant cet aspect éducatif. Je voulais justement te parler du documentaire sur lequel tu travailles. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Oui le premier devrait sortir bientôt. Ça parle de la « Montagne d’or » en Guyane : j’ai rencontré plusieurs activistes qui luttent contre ce gros projet de l’industrie aurifère qui veut raser plusieurs hectares de forêt dans des zones protégées, en utilisant des produits toxiques, comme du cyanure. C’est une catastrophe totale pour l’écosystème, tout ça au nom du capitalisme. Ça fait écho à d’autres projets écocides qui sont en train d’être mis en place là-bas. C’est un mini-documentaire que j’ai fait tout seul qui s’appelle aussi Resist.

C’est beaucoup de projets à la fois. Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

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De faire vivre scéniquement mon album, bien sûr. J’espère que je vais pouvoir le défendre dans les prochains mois, on crois les doigts. Et enfin continuer à communiquer et à mettre en avant les enjeux sociétaux importants à mes yeux.

(c) Ph. Bertheau
(c) Ph. Bertheau