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À la découverte de Ragers

Montez le son.

Par
Romain Amichaud
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Ragers représente bien Montréal. Éclectique et libre. Cette fois-ci, le groupe de rap québécois a décidé de nous offrir un EP dans sa langue maternelle. Des titres colorés aux teintes diverses, parfaitement à l’image du groupe. Pour la sortie de Tant qu’à y être, on a eu la chance de pouvoir discuter avec Jake et Billy. Si vous ne les connaissez pas encore, c’est normal : vous êtes au bon endroit.

Pouvez-vous nous donner la signification de Ragers ?

Jake: Yeah ! Ragers est né très abruptement d’une série d’évènements avec notre ancien groupe où ça a viré un peu à la catastrophe avec notre ancien manager. On a voulu se rebeller contre l’industrie de la musique et ne pas se laisser faire. Ça devenait quasiment impossible de faire de la musique pour nous, donc on s’est dit : « Fuck that ! ». On n’allait pas laisser cette industrie et ce manager nous bloquer dans nos rêves donc on a décidé de faire un autre projet. Ragers est né de cette énergie-là : « We’re gonna rage at the system ! »

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Est-ce que vous avez créé votre propre label pour faire ce projet ?

Billy: Non. Les premiers projets, on les a sortis en indépendants. Et celui-là sort chez Joyride Records, un label avec qui on est amis depuis pas mal de temps. Des gars comme Loud et Rymz sont aussi chez eux. Quand on a su qu’on voulait faire quelque chose en français, on s’est dit que ça avait du sens de les approcher.

Est-ce que le titre de l’EP veut dire: « Tant qu’à y être, on chante en français » ?

Jake et Billy : C’est exactement ça !

Jake : Toute ma vie, j’ai écrit en anglais. De me dire qu’un jour j’allais écrire en français, pour moi c’était impossible. Et là, quand la pandémie a frappé, on était bloqués chez nous et on s’est dit, tant qu’à y être, on va peut-être se donner cette chance d’écrire en français et s’attaquer à ce marché. On voulait aussi commencer une nouvelle conversation et un nouveau dialogue avec les fans. C’est sûr qu’il y a une petite adaptation à faire mais pour le moment, tout le monde trouve ça cool qu’on utilise notre langue maternelle pour la première fois.

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Billy : Moi, quand j’ai commencé à écouter du rap, c’était du rap français. C’est là que j’ai appris à aimer les mots et à vouloir jouer avec. C’était un exercice vraiment amusant de revenir à mes premiers amours. Quand on travaillait sur l’EP, j’ai réécouté beaucoup de TTC, de Klub des Loosers, le genre de musique que j’écoutais quand j’étais jeune. C’est marrant parce que les gars de TTC sont devenus des bons amis avec les années.

Jake : Parallèlement à ça, on était en train de composer un autre album en anglais qui est déjà à mi-chemin. On a donc mis pause sur cet album et on s’est vraiment concentrés sur Tant qu’à y être. Maintenant qu’on l’a sorti, on retourne travailler en studio celui en anglais. It never stops ! (rires)

Quelles sont les influences musicales qu’on peut retrouver sur cet EP ?

Billy : Moi et Jake on a beaucoup écouté de Makala en 2020. Personnellement, c’est quelqu’un que j’aime beaucoup. Il a un peu les mêmes influences que nous, genre Pharell, Clipse. On aime les trucs toujours un peu « out of nowhere », plutôt texturés. Mais c’est rare qu’on arrive tous à se rallier autour d’un artiste, on écoute toujours des trucs un peu disparates.

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Jake : Moi, j’aime beaucoup ce qu’a fait Channel Tres dernièrement. Et oui, Makala pour le côté lyrique, je pense que ça a vraiment teinté. Pour être honnête, quand je me lève, je fais une petite fumette, puis après ça je me lance dans un beat, je vais vraiment là où la session me guide. Je ne me limite pas à : « Il faut que ça sonne comme ça, ou il faut que je rentre dans un certain moule ! »

Est-ce qu’il y a des sujets qui vous inspirent en particulier ? Montréal, la pandémie ?

Billy : Je crois que ça a été un peu un mixe de tout. Juste un peu avant le premier confinement, on venait de revenir de Séoul. On était très excités de travailler sur l’album en anglais. On était censés retourner en Asie pour une tournée qui a été annulée. Ça faisait longtemps que je n’avais pas passé un an complet à Montréal. En travaillant sur cet EP, on a redécouvert notre ville sous un angle différent. On a pu retomber en amour avec notre ville pendant l’été grâce aux parcs et aux belles activités extérieures entres amis.

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Jake : Ouais à l’image de la ville qui est très colorée, je pense que notre EP l’est aussi. T’as des party song et des textes beaucoup plus introspectifs voire un peu plus dark. C’est sûr que le confinement ce n’est pas ce qui est le plus fun à faire. Tu t’inspires de ce qu’il y a autour de toi, et à Montréal, il y a de quoi faire. C’est facile de sortir avec un matériel qui va être représentatif de cette pluralité.

Quel est le titre de l’EP dont vous êtes les plus fiers ?

Jake : Bonne question, moi j’aime beaucoup Le Zoo.

Billy : Moi aussi !

Jake : Je pense c’est notre personal favorite parce qu’il y a beaucoup de dynamique, c’est très punchy : à l’image de ce que Ragers est. C’est une track qui va être intense à faire en live aussi. On a vraiment hâte de l’essayer.

Billy : Je suis d’accord. Je pense qu’elle va nous aider à nous pousser plus loin dans le futur au niveau du son.

Jake : Je parlais de textes un peu plus introspectifs, Le Zoo a été pour moi une façon de baisser un peu ma garde sur ce texte. Souvent, j’écrivais des textes plus de party mais sur celle-là, je suis un peu plus vulnérable. Cette année, j’ai perdu mon oncle, il s’est suicidé. Ça a été tragique. J’ai pu me servir de ça pour mettre les mots sur ce que je ressentais. C’est son histoire à lui, sur la dépression, j’ai essayé de comprendre ce que c’était, et ça m’a permis de passer à travers aussi.

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Bravo pour la réalisation des clips de Peekaboo et Goût Cerise. Est-ce que vous avez d’autres clips prévus bientôt ?

Billy : Goût Cerise et Peekaboo, c’est les seuls qu’on a pour l’instant. Sûrement qu’il va y en avoir un autre dans le courant de l’été.

Jake : C’est un bon challenge pour les réalisateurs de réussir à coller une image au monde de Ragers. Moi, en plus, je suis très exigeant quand c’est le temps de faire des vidéos et des concepts. Mais on a été très chanceux pour les deux derniers clips. Xavier Cantin–Lemieux avec Goût Cerise, nous a emmené dans une histoire à la Tony Montana de Scarface. Puis après ça, dans Peekaboo, on est ailleurs avec Adrian Villagomez, il nous emmène dans un monde euphorique et teinté d’imaginaire. C’est le fun d’être entourés de gens vraiment talentueux. It feels amazing!

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Billy : Et aussi de réalisateurs dont on aime le travail. Avec Xavier, je crois que c’est notre troisième clip avec lui donc il nous comprenait déjà assez bien. Adrian, c’est un de mes plus vieux amis mais c’est la première fois qu’on travaille avec lui. Je trouve qu’il a vraiment bien capturé l’essence de ce qu’on voulait faire. Une espèce d’ambiance calme même si elle est très chaotique. C’est vraiment deux univers complets, je suis content que les gens aient pu vivre back-à-back les deux.

Est-ce que vous avez déjà eu des retours sur l’EP ?

Jake : C’est un peu dur en ce moment parce que normalement tu sors un album, tu t’en vas sur la route, et tu reçois un feedback. Là, tu n’as pas ça. Tu te fies aux chiffres, c’est vraiment digital. Tu regardes les commentaires des gens sur internet. Mais jusqu’à présent, l’engouement est très bon. C’est sûr que ça me manque. Quand tu fais de la musique, la véritable paye c’est de partir en concert. La musique c’est fait pour rassembler des gens. En ce moment, on est tous derrière notre écran. Comme là, on aurait pu s’asseoir dans un café à Montréal pour parler de l’EP, ça aurait été complètement différent.

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Billy : Ouais, c’est très stérile comme expérience cette sortie d’album mais ça nous permet de connecter avec les gens différemment.

Jake : Oui puis je sens une vague d’appuis de toute la communauté musicale aussi. On a eu du support de Imposs, de Cœur de Pirate, de toute la clique de Joyride aussi comme Rymz. C’est le fun d’avoir ces soutiens. On est rentrés dans la famille, et ça se sent.

Billy : Et pour moi, le plus gros payoff, c’est les gens qui ne parlent pas français, comme certains de nos fans et amis, qui ont quand même fait l’effort d’écouter l’EP et qui ont aimé ça, ça me fait très chaud au cœur. C’est un peu ça l’autre truc avec Montréal, tu dois parler à un public ou à un autre et il n’y a pas assez de frictions selon moi entre les deux. J’aime constater que ça change.

Avez-vous un message pour nos lecteurs français (de France) ?

Billy : Yo, j’ai hâte de revenir ! Ça fait bizarre pour moi de ne pas être à Paris. Je m’ennuie beaucoup de la France. J’ai très hâte qu’on vienne faire ces chansons-là pour le public français. Je sais qu’il n’y a pas énormément de rappeurs québécois qui ont eu un succès retentissant en 2020 en France. Tout le monde a un peu décidé de mettre leur zoom sur leur scène locale, ce qui est 100% normal. Mais dès que les shows reprennent, Ragers va être en France de manière très agressive. Alors mieux vaut écouter l’EP tout de suite et en parler à ses amis pour être prêt quand on va débarquer.

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