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Pess est un passionné du rap. Il aime évoluer dans des styles différents. Avec son nouveau titre Jeunesse, il a voulu s’adresser aux amoureux du rap à l’ancienne. Et on fait un véritable bon dans le temps grâce à ses textes soignés et son flow soutenu. Avec son clip brut en noir et blanc style old school aussi. Ça prouve enfin combien rien ne change. Mêmes halls et mêmes galères dans les quartiers. Si vous ne le connaissez pas encore, c’est normal : vous êtes au bon endroit.
Avant toute chose, on voulait te poser une question cruciale : t’es lyonnais ou clermontois ?
Alors, je suis né et j’ai grandi à Lyon. Je viens du quartier de La Croix Rousse. J’ai fait mes premières classes de rap là-bas. J’avais un binôme, on s’appelait Pères d’As. On a commencé à rapper dans la cave de mon acolyte. Ensuite, on a écumé la scène underground lyonnaise pendant cinq ans. C’était une époque où le streaming n’existait pas encore. On vendait les CDs sous le manteau.
Après j’ai dû partir à Clermont-Ferrand pour des raisons professionnelles. Je n’avais pas trop le choix, à ce moment-là. Cette ville ne me tentait pas trop au départ. Mais je ne regrette vraiment pas. Maintenant j’y vis et mon fils est né ici. J’ai une attache particulière à cette ville, elle m’a adopté aussi.
En 2018, j’ai rencontré Blizzy, un beatmaker. C’est lui qui a produit Jeunesse. Il avait ce projet de monter un petit label du nom de Bagadata. On s’est vraiment accordés en termes de sonorités. Je dis toujours que c’est mon frère de son. On a donc commencé cette aventure ensemble. J’ai accepté d’être le premier artiste sur lequel on s’essaie. Depuis 2018, on a sorti plusieurs EPs : Quatre saisons, Présentations, Caméléon acte 1, et là on est en train de sortir Caméléon acte 2.
Moi, je suis un amoureux du rap, un passionné. J’aime le rap dans tout son ensemble. Aujourd’hui, on peut trouver de tout. J’ai toujours eu du mal à me cantonner à un seul style. Je suis de l’école du boom bap à l’ancienne, c’est ma zone de confort mais j’aime bien explorer d’autres choses comme la trap, le cloud. On a donc voulu construire un projet autour de cette diversité de styles.
Au fait, ça veut dire quoi Pess ?
C’est le diminutif de pessimiste. J’ai commencé à rapper quand j’étais gamin vers 14 ans, et on me disait déjà que j’étais pessimiste. À l’époque, j’avais une vision assez négative de mon avenir. Avec le temps, ça s’est atténué. Maintenant je suis plus pessimiste sur la condition humaine et sur l’avenir de l’humanité, en général.
Comment t’es venu le goût pour le rap?
Ça m’est venu très tôt. J’ai une grande sœur qui a 11 ans de plus que moi, c’était une passionnée de rap aussi. Je lui piquais ses cassettes de rap. Et un jour, je lui ai pris celle d’un groupe de rap new-yorkais qui s’appelle Black Moon. L’album s’appelait Enta da Stage. Quand je l’ai écouté, ça m’a mis une grosse claque. En mode : « C’est ça que je veux essayer de faire ! » Après, j’ai écouté le Wu Tang Clan, ils m’ont matrixé. Au début, j’étais très rap US, il y avait Nas aussi et Mob Deep. Après je me suis penché sur le rap français, j’ai découvert Arsenic, Lunatic, Fab, La Scred Connexion. Tout ça, ce sont des influences qui m’ont beaucoup poussé. J’ai aussi toujours eu une sensibilité pour l’écriture. Il fallait que je trouve un moule pour l’exprimer, le rap s’est offert à moi et je me suis jeté dedans.
Peux-tu nous parler de la réalisation du beau clip Jeunesse et du message que tu as voulu faire passer ?
On l’a tourné à Clermont-Ferrand dans le quartier Croix-de-Neyrat, où je vis en ce moment. Ça me tenait à cœur de le filmer là parce que j’anime des ateliers d’écriture à la maison de quartier. Et 80% des petits qui sont dans le clip, ce sont des petits que j’ai à l’atelier. C’était important pour moi parce que ce sont des enfants que je porte dans mon cœur. Je ne leur dis pas assez souvent d’ailleurs ! J’avais envie de faire un truc pour eux aussi, de les mettre en avant.
Il y a plusieurs messages dans ce clip. D’abord, quand on vit dans ces quartiers-là à cet âge, on se pose beaucoup de questions, on a beaucoup de doutes et de fausses certitudes. Ce n’est pas facile de les exprimer correctement et ça se traduit souvent par de la colère ou de la violence. Avec le recul, je voulais replonger à l’époque où j’étais gamin et tenter d’exprimer toute cette frustration que j’ai vécu aussi mais avec mon vocabulaire d’aujourd’hui. Je voulais questionner aussi : est-ce que, 15 ans après, la situation et la mentalité ont beaucoup changé ? Je n’ai pas l’impression. À part quelques couches de peinture sur les bâtiments ou la venue de quelques politiques pour glaner des voix, je n’ai pas l’impression que les problèmes de fond sont réglés. Sur certains points, c’est même pire qu’à mon époque. C’était la merde quand j’étais gamin et c’est toujours la merde ! Je pense qu’il faut écouter ces jeunes, s’en occuper parce que l’avenir, c’est eux.
Quel est le titre dont tu es le plus fier ?
Très honnêtement, Jeunesse est le titre et le clip dont je suis le plus fier. Il représente une part de ma jeunesse, une mise en avant du quartier Croix-de-Neyrat et une mise en avant de mes petits.
Il y a aussi le morceau Aromatisé, le premier morceau sur Bagadata. Le clip est très bien, on a beaucoup travaillé dessus. C’est complètement différent comme univers musical.
Enfin, il y a un projet que j’ai sorti pendant le premier confinement, je voulais apporter un peu d’optimisme aux gens, il s’appelle Présentations. C’est celui qui me représente le mieux. Il est assez introspectif. On y trouve un morceau qui s’appelle Ismael, le nom de mon fils. Je m’adresse directement à lui dans ce morceau.
À quand un Grünt à Clermont-Ferrand ?
Je t’avoue, tout ce qui est organisation d’évènements, de Grünt, de cyphers, c’est très compliqué ! Il y a une communauté rap ici qui est ultra-active. Il y a des très bons rappeurs, c’est vrai. Je sais que quand les vannes vont se rouvrir, il va y avoir énormément de choses qui vont se faire. Alors voilà, on se tient prêts ! (rires)
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
Caméléon Acte 2 sort le 12 mars donc qu’on me souhaite une bonne sortie pour cet EP. C’est le rap qu’on aime, le rap qui nous a fait grandir, qu’on porte dans notre cœur. On espère que les gens vont l’apprécier, le partager. Il n’y a pas de calcul avec du rap comme ça. On sait que ce n’est pas une radio comme Skyrock qui va nous jouer. C’est l’EP du kiff, l’EP des amoureux du rap qu’on est.
On va peut-être clipper Sortir par le toit aussi. Le titre a une couleur très jazzy. À suivre de très près…