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À 11 ans, mon premier contrôle au faciès

En partenariat avec la ZEP (Zone d’Expression Prioritaire).

Par
La ZEP
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Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils et elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.

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Je suis un grand Renoi de 1m92, de 17 ans et j’habite dans un village au fin fond du 78. En bas de chez moi se trouvent des ânes et, pour aller à la gare le plus rapidement possible, je dois traverser un champ. Sinon, c’est au minimum trente minutes de marche. Je suis un gars qui ne fume pas, je ne bois pas, t’as vu tranquille, un boug. Tu ne peux pas te dire « C’est un emmerdeur fouteur de troubles, tout ça », non, je suis bad chill. Grand, long, fin, tu vois le délire. Depuis que je suis petit, j’ai toujours été la personne timide et gentille de base, je suis toujours tranquille dans mon coin, je ne parle à personne. C’est aussi pour ça que l’événement qui s’est passé, le contrôle, m’a marqué.

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Je devais avoir entre 11 et 12 ans. À cette époque-là, tous les soirs vers 17h30, je partais chercher mon petit frère à l’étude de son école primaire, dans notre petit village. J’étais sur le chemin comme d’habitude, avec mes écouteurs comme d’habitude. En plus, je devais marcher une longue montée atroce, il faut voir comment c’était long, pire que mon intro. Bref. J’étais en train de marcher et j’ai vu une voiture bleue.

Deux adultes qui montent en pression

Je ne calcule pas, je marche tranquille. Je devais être à deux pas de l’école primaire. J’entends du bruit, mais je m’en fous, j’ai mes écouteurs. Mais ça continue. J’enlève mes écouteurs et je me rends compte que les personnes dans la voiture m’interpellent.

Je m’arrête, je ne comprends pas. Je reste poli, mais je suis dans l’incompréhension. On me pose des questions : mon âge, ce que je fais ici. Aucun mot ne sort de ma bouche, je suis timide, je ne parle pas aux gens. Il commence à s’impatienter, donc je bégaye, je cherche mes mots. Je vois deux adultes qui montent en pression. Ça fait que je commence moi-même à paniquer. Ils sortent de la voiture. Ils étaient en uniforme, c’était la gendarmerie.

On m’a mis sur le côté, m’a fouillé, palpé. Il ne s’est rien passé de plus, juste ça m’a marqué parce que j’étais jeune. Et ça devait se voir : à 11 ans, je n’avais pas le physique de Mike Tyson, je ne faisais rien de spécial, si ce n’est chercher mon petit frère à l’école. Ça s’est passé à quelques mètres de cette dernière, des parents auraient pu me voir ou m’ont vu, je ne sais pas tout. Comme des enfants bien plus jeunes que moi, et même mon propre petit frère.

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Un contrôle sans motif

Je peux comprendre que le fait que je n’ai pas parlé plus que ça ait pu me mettre dans cette situation, mais on est dans un village, j’ai 11 ans, la chose la plus illégale que j’ai faite c’est dessiner sur une table. Je ne vois donc même pas pourquoi il y a eu cette altercation à la base, si ce n’est à cause de mon physique.

J’en ai parlé à ma mère. Elle était outrée et m’a fait un long discours. Dans sa tête, c’était coach Carter. Pendant facile une heure. Ça m’avait inspiré et fait ouvrir les yeux sur quelques bails, mais je ne m’en souviens plus, ça date trop. Mais je n’en ai jamais trop parlé autour de moi. Je sais que mes potes, pour la plupart, n’ont jamais vécu ça, et ce n’est pas plus mal.

Les contrôles n’ont pas arrêté depuis, même si ce n’est pas fréquent ; que ce soit quand je sors avec mes cousins ou seul, dans le métro ou dehors. À ce jour, j’ai un malaise et de l’insécurité quand je suis en présence des forces de l’ordre.

William, 17 ans, lycéen, Yvelines

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