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6 titres de Britney Spears qui étaient des appels à l’aide

Tous les indices étaient sous nos yeux.

Par
Malia Kounkou
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Il n’y a pas meilleure période pour se replonger tête baissée dans la discographie de Britney Spears que maintenant.

D’autant plus que chaque nouvelle immersion nous en fait apprendre (et comprendre) un peu plus sur la pop-star américaine. Un titre comme « If U Seek Amy » (dont mon esprit si pur et ingénu a mis bien du temps à décoder la signification), nous montre à quel point Britney est friande des doubles sens et easter eggs musicaux.

Replacé dans le récent contexte — à savoir, les révélations sur son quotidien de maltraitance généralisée depuis 2008 —, ce recours si fréquent aux messages cachés nous apparaît d’une manière soudainement différente. Voire complètement sinistre.

#FreeBritney : chronologie en accélérée

Tout commence en 2007, au milieu d’une procédure de divorce houleuse où la garde de ses enfants est en jeu. De nombreuses actions déroutantes — dont le fameux épisode des cheveux rasés — mèneront Britney à être placée, courant 2008, sous la tutelle temporaire de son père. Mais de mesure d’urgence, cet accommodement finira par s’éterniser au point de mettre en alerte un premier site fan en 2009 : FreeBritney.net. Ce ne sera cependant pas assez pour enrayer une machine qui contrôlera sa carrière, ses finances, ses sorties, ses inspirations et ses expirations sur plusieurs années encore.

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En 2017, le vent de suspicion sera ravivé contre toute attente par Britney’s Gram, un podcast humoristique dans lequel deux comédiennes, Tess Barker et Babs Gray, analyseront de fond en comble la page Instagram de la pop-star. Cette nouvelle attention invitera l’Internet entier à en faire de même et bientôt, les rires gras se transformeront en préoccupations réelles.

Tout culminera enfin en février 2021 à la sortie Framing Britney, un documentaire du New York Times qui détaillera le traitement injuste et inhumain de Britney par les médias comme par son entourage proche. De simple meme, le mot-clic «#FreeBritney» deviendra alors un mouvement de protestation planétaire. Et lorsqu’au cours du procès du mois dernier statuant sur sa tutelle, la chanteuse prononcera : « Je veux récupérer ma vie » devant la juge, la teneur de ce cri du coeur sera comprise par tous.

À la lumière de tout cela, réécouter les anciens titres de Britney ne représente donc plus un simple divertissement mais une véritable chasse aux indices, à présent. Quels appels à l’aide écrits en filigrane avons-nous laissés filer au cours des années ?

« Circus » : le manège dont nous sommes spectateurs

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Sorti en 2008, ce single est à la fois l’hymne d’une année tumultueuse mais, surtout, le miroir de la vie publique de Britney Spears. « Tous les yeux sur moi », « Je suis une fille de show », « Ne reste pas là à me fixer » ; l’idée d’être observée vingt-cinq heures sur vingt-sept y est un thème récurrent. Rien d’étonnant lorsqu’on sait à quel point celle longtemps surnommée Fiancée de l’Amérique était suivie, aimée et (très souvent) stalkée. Mais là où les paroles donnent l’impression qu’elle reste celle qui mène la barque, la réalité est hélas toute autre.

Pour Britney, 2008 a été une année de dépossessions successives. Quelques mois après avoir perdu la garde de ses enfants, elle perdait sa liberté de mouvement avec une tutelle restrictive puis perdait toute crédibilité médiatique, son nom devenant la punchline des tabloïds et de la culture populaire en général. Certains ajouteront qu’elle a également perdu la tête en se rasant le crâne, mais pour ma part, j’y vois une tentative de regain de contrôle sur une vie qui lui échappe. Et cette tentative s’illustre aussi dans les paroles de « Circus » qui inversent le rapport de pouvoir. Pour une fois, dans cette réalité fictive, Britney est maîtresse de son propre scénario.

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« Everytime » : dernier cri avant la noyade

Étant enfant, je me souviens encore du sentiment de panique que m’a insufflé ce clip. Il n’y a pas de manière rose de le dire : son suicide y est mis en scène. Avant cet acte final, la pop-star est traquée par une horde de paparazzis — qui la blessera d’un coup de caméra —, se dispute avec son copain en rentrant chez elle puis se noie dans sa baignoire, une boîte de cachets ingérée plus tard. Et bien que la dernière séquence la montre remontée à la surface, sourire aux lèvres, cela ne vient en rien atténuer l’ambiance pesante de la vidéo.

Et les paroles ne font qu’enfoncer le clou. Écrite en réponse directe au ouin-ouin Cry Me A River de Justin Timberlake — soit l’ex qui lui fera payer son infidélité au prix d’une remarque misogyne différente par apparition publique — ce texte est baigné d’une culpabilité qui ne rend son décès fictif que plus poignant. « Ma faiblesse t’a causé de la peine / Et cette chanson est mon excuse », entonne-t-elle tandis que son corps disparaît dans l’eau opaque. Bien que la star ait assuré à l’époque ne vouloir représenter que sa propre résurrection, ce que nous savons aujourd’hui montre qu’il ne s’agissait peut-être pas d’une simple métaphore.

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« Piece Of Me » : le constat cynique

La chanson ‘self-aware’ par excellence. Entre dérision et soupir, Britney nous explique ici qu’elle sait exactement ce qu’elle représente pour les tabloïds et qu’aucune appellation ne la surprendra vraiment. Non sans humour, elle nous les énumèrera même : « Miss Bad Media Kama », « Madame Oh-Mon-Dieu-Quelle-Impudique-Cette-Britney » ou encore « Madame Apparaîtra-Probablement-À-La-TV-Pour-Avoir-Trébuché-Dans-La-Rue », et autres surnoms plus longs mais non moins vrais.

Au-delà du ton blasé, la lassitude. On sent une Britney fatiguée d’être malmenée par les médias qui, lorsqu’ils ne commentent pas sa prise de kilos, commentent sa perte. Ou qui la provoquent juste en vue d’obtenir d’elle une réaction suffisamment juteuse pour les titres de presse à scandale. Et ce cirque — pun intended — fait même rire jaune Mrs. Spears qui leur rappelle dès le premier couplet que quoiqu’elle fasse, où qu’elle aille, ils dépendront toujours de ses faits et gestes pour survivre. Jamais l’inverse.

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« My prerogative » : le coup de gueule

Impossible de ne pas inclure ce titre intemporel. Quatre ans avant sa mise sous tutelle et en pleine transition de Fiancée de l’Amérique à Britney Bitch, la pop-star, qui a déjà quelques scandales sur son CV, revendique son droit à être aussi bien entendue que respectée. Dès le début de la chanson, la couleur est donnée : « Les gens peuvent tout vous prendre / Mais ils ne peuvent pas prendre votre liberté / Mais la question est : pouvez-vous encaisser la mienne ? »

Intemporel, vous dis-je. Car nous avons beau être en 2021, cette question demeure toujours d’actualité. Peut-on encaisser la vérité de Britney ? Celle qu’elle se bat à faire éclater au grand jour depuis des années malgré un père oppresseur, une soeur indifférente, une équipe déloyale, des exs manipulateurs et une longue tradition de dévalorisation médiatique ? Est-on enfin disposé à l’entendre sans préjugés ?

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« J’ai le droit d’avoir une vie. […] Je mérite d’avoir les mêmes droits que les autres », revendiquait-elle d’une voix animée devant la juge, lors du procès concernant sa tutelle au mois de juin de cette année. « C’est la vie que je veux vivre / C’est mon droit / Tu ne peux pas me dire ce que je dois faire », revendiquait-elle en 2004 sur une mélodie electro-pop, le regard défiant. Et tant que son objectif n’est pas atteint, cette flamme ne risque pas de s’éteindre.

« Original Doll » : la vérité sans filtre

Peu de personnes le savent — et je m’inclue dedans car je ne l’ai découvert que tout récemment — mais juste avant de sortir son album acclamé Blackout, fin 2007, Britney travaillait passionnément sur un projet qui ne verra finalement jamais le jour et dont plus personne ne prononce à présent le nom.

Ce Voldemort musical a eu pour titre « Original Doll » et regroupait une quinzaine de chansons offrant une fenêtre sans filtre sur son quotidien macabre. Les titres ayant depuis fuité sur Internet — beaucoup accusent d’ailleurs son label qui, à l’époque, s’opposait fortement à la sortie de cet album —, cette honnêteté brute se ressent parfaitement dans de nombreux titres, notamment « Mona Lisa » et « Rebellion ».

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Dans ce premier titre, Britney s’identifie à la célèbre peinture de Léonard de Vinci, reprenant ici le thème d’être vue et surveillée en permanence. Le thème du suicide est également très palpable, à tel point que Britney devra changer les premières paroles pour ne pas qu’on croit en son décès, mais en celui d’un prétendu clone.

« Elle était une légende / C’est assez pitoyable qu’elle soit partie », regrette-t-elle dans la version originale. Britney s’y décrit comme un tableau chutant du mur au sol tandis que « tout le monde regarde » et qui finit par se noyer « dans sa propre mer ». Clin d’oeil funeste au clip de « Everytime ».

Vient ensuite « Rebellion » qui, en tout point, porte son nom. On y entend une Britney qu’on ne reconnaît pas. Et pour cause : l’artiste y chante dans son vrai timbre de voix, soit très loin du registre aigu et un brin nasillard qu’on lui connaît. Cette voix singulière plane tel un spectre au-dessus d’un instrumental r&b aux échos inquiétants pour nous informer, abattue : « Je livre un combat perdu d’avance et ma patience s’effrite. » Puis, juste après, comme un sursaut d’espoir : « Mais dans la rébellion, il y a un éclair de lumière ». Car si Britney nous a bien prouvé une chose, c’est qu’elle ne manquera jamais de résilience.

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