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5 préjugés sur la médicamentation de TDAH
Il y a quelques mois, j’ai écrit un article sur le processus qui m’a mené à obtenir un diagnostic de TDAH. J’ai précisé que ça avait positivement changé ma vie et de manière générale, le grand public semblait à l’aise avec ça.
J’ai aussi mentionné que, suite à cette belle aventure, j’ai obtenu une prescription pour du Concerta. Il en a r ésulté quelques messages privés qui ne m’ont pas rendu très à l’aise, dont un contenant ce même :
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J’ai eu droit à mon lot de pilules et de villages champêtres, dans la vie. Je peux donc dire qu’en ce qui concerne le sujet de rééquilibrer les connexions dans mon cerveau, c’est plus efficace que le médicament vienne d’un médecin (sans offense pour les agents de voyage… mais avec offense pour celui qui m’a envoyé ça).
Il y a encore à ce jour un certain malaise autour de la prise de médicaments pour traiter les symptômes de neurodivergence. Et derrière cela, plusieurs préjugés vis-à-vis de la médicamentation sont gardés bien vivants pour des raisons qui m’échappent.
Je vais donc essayer ici de déconstruire certains de ces préjugés pour éviter à moi comme à d’autres ce type de messages déplaisants.
Préjugé 1 : La médicamentation n’est pas naturelle
C’est vrai. Mais est-ce que les voitures, Microsoft Word et le gâteau au fromage sont trouvables à l’état sauvage ? Non. Ils n’en facilitent pas moins nos journées pour autant.
Autre exemple simple : l’insuline pour les personnes diabétiques.
Je vais commencer avec un exemple simple comme l’insuline pour les diabétiques. Ce n’est pas nécessaire pour tous les corps, mais pour les diabétiques, c’est un solide aidant pour passer au travers de la journée sans perdre connaissance. Il s’agit d’une substance que le corps de certains ne produit pas naturellement, mais qui n’est pas moins cruciale pour leur bien-être.
Donc finalement, mon Concerta pas du tout naturel est tout aussi crucial. Il fait que je suis capable d’envoyer un mail angoissant en cinq minutes plutôt qu’en quatre heures et de conserver mon emploi.
À noter que, bien que ce soit un match pour moi, ce ne sera pas le cas pour tout le monde et il y aurait tout un article à faire sur comment trouver la substance qui vous convient.
Préjugé 2 : La médicamentation fait perdre son étincelle
Dans les heures qui suivent ma prise de pilules, il est vrai que j’ai moins de chance de recevoir l’étoile d’un match d’improvisation. En gros, j’ai cinq heures durant lesquelles je suis à 32 % plus robotique.
Mais la vie moderne me demande déjà d’être quotidiennement mécanique pour répondre à la demande. Je suis suffisamment hippie pour fantasmer moi aussi à l’idée d’une société qui ne serait pas basée sur l’anxiété de performance. Ceci dit, nous n’en sommes pas là.
si je me médicamente, ce n’est pas pour éteindre ma créativité, c’est pour arriver à être fiable.
Le bloc de cinq heures n’est pas un hasard. Il s ’agit d’une durée prédéterminée, communiquée par mon médecin et qui est suffisante pour que j’accomplisse mes tâches quotidiennes d’adulte.
Alors si je me médicamente, ce n’est pas pour éteindre ma créativité, c’est pour arriver à être fiable et qu’on me donne ainsi des contrats qui récompensent ma créativité.
Quand je prends ma pilule à 9 h du matin, je fais de l’excellent travail administratif pendant cinq heures et ensuite, je redeviens étincelant juste à temps pour le reste de ma journée.
Préjugé 3 : On ne vit pas la réalité quand on est médicamenté
Cet argumentaire me fait toujours rire.
On entend souvent que prendre des médicaments pour faciliter son quotidien, c’est un peu comme fuir la vie ou quelque chose du genre.
Premièrement, sachez que si vous imposez ce discours à une personne qui souffre de dépression et qui prend des antidépresseurs, c’est non seulement lourd, mais aussi dangereux.
Ensuite, réalisez-vous le nombre de choses que l’on utilise pour faciliter notre quotidien ? Je peux nommer des tonnes d’exemples. Il y a des personnes qui disent qu’on ne peut pas leur parler avant leur café du matin. Si je suis la logique précédemment établie, elles ne vivent pas la vraie expérience du matin ?
On peut aussi dire que de porter des chaussures, c’est de refuser de vivre la réelle expérience de marcher dans la rue. Parfois, la vraie expérience fait mal aux pieds, rend impatient et ralentit le groupe.
Préjugé 4 : C’est un peu comme prendre de la drogue
Je n’irai pas par quatre chemins : si le but était d’être buzzé, je ne serais pas passé au travers d’une démarche de cinq mois s’élevant à pas mal d’argent pour obtenir la drogue la plus soft en ville.
Ça ne s’applique évidemment pas à tous les médicaments, mais en ce qui concerne les antidépresseurs, les médicaments pour le TDAH et la plupart des substances traitant les symptômes de neurodivergence, si l’intention était de faire la teuf, vous allez être déçus.
Si je devais comparer, sachez que vous aurez dix fois plus d’effets psychotropes avec une bouteille de blanc qu’avec une dose quotidienne de Concerta.
Préjugé 5 : Tu pourrais survivre sans prendre de médicaments
Je vais finir avec sans doute l’argument le plus répandu, mais aussi malheureusement le plus vrai.
Oui, on peut survivre sans traiter ses symptômes. Mais pourquoi ne pas viser un peu plus haut que la simple survie et essayer de vivre ? Oui, phrase toute faite et alors ?
En ce qui me concerne, j’ai vécu 33 ans sans traiter mon TDAH avec de la médicamentation. Chaque année, j’arrivais à trouver des moyens pour que ça se passe de mieux en mieux.
J’ai refusé de me médicamenter par orgueil.
L’ activité physique aide un peu, faire des listes de tâches aussi (mais gare à la tonne de remords quand elle n’est pas complétée). J’ai également constaté que lorsque j’ai faim depuis 7 heures et plus, mais que je ne mange pas, j’ai le plus haut niveau de concentration qui soit. Ceci dit, j’ai aussi quelques fois perdu connaissance à cause du manque de calories dans mon système.
Commencez-vous à comprendre où je veux en venir ? Je ne réfute pas qu’il soit possible de passer à travers ses semaines sans utiliser la médecine moderne, mais j’ai de plus en plus de mal à comprendre l’avantage.
J’ai refusé de me médicamenter par orgueil. C’est gênant, parce que je ne comprends plus du tout d’où venait ce blocage. Le fait d’être symptomatique, mais à jeun, ne me rendait pas meilleur.
C’est d’ailleurs ma réponse à toutes les personnes qui tentent de me convaincre que je devrais donner une autre chance à la vie sans Concerta : « J’essaie juste de fonctionner, en fait. La vie est dure et on va prendre toute l’aide disponible ».