Lorsque j’ai commencé à m’intéresser aux réflexions féministes, je me tournais sans même m’en rendre compte, vers des autrices majoritairement blanches et surtout, qui mettaient en avant un féminisme universaliste, c’est-à-dire le « mouvement » majoritaire en France depuis les années 1960. J’ai peu à peu ouvert mes horizons pour embrasser, au fur et à mesure, le concept de convergence des luttes, dont l’objectif est de pointer les liens entre diverses oppressions (ici, racisme, sexisme, lgbtphobies) ou problématiques sociales (comme le capitalisme que l’on peut relier au patriarcat et à la domination du vivant).
Je vous propose donc de vous partager cinq lectures pour un féminisme réellement inclusif, qui sont des ouvrages qui m’ont permis de me positionner en tant qu’alliée des mouvements antiracistes, lgbtqia2+ et de comprendre l’importance du terme intersectionnalité.
Une histoire de genres, de Lexie
Lexie est militante transféministe (ndlr, on l’avait déjà interviewée ici) et nous a fait l’honneur, en février dernier, de publier son premier ouvrage rempli de bienveillance, de pédagogie et de militantisme : Une histoire de genres. En tant que femme trans, elle nous livre à la fois son expérience personnelle, mêlée à des chapitres historiques (elle est diplômée de l’Ecole du Louvre), sociologiques, mais aussi à des passages plus pratiques.
Cet ouvrage se destine autant aux personnes cisgenres qu’aux personnes transgenres, car c’est un outil pour devenir un.e réel.le allié.e des personnes trans, autant qu’une aide précieuse aux personnes souhaitant entamer leur transition.
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Un féminisme décolonial, de Françoise Vergès
Françoise Vergès est une militante féministe réunionnaise emblématique des combats et réflexions décoloniales. Elle est également politologue. Son enfance l’a fait baigner dans un milieu très engagé, notamment grâce à ses parents communistes, mais aussi grâce à son oncle, Jacques Vergès, chez qui elle logeait pendant ses études.
Cet ouvrage est indispensable pour se décentrer en tant que personne blanche occidentale. L’autrice se penche sur le modèle du capitaliste mondial, qui asservit les femmes, mais en particulier les femmes racisées. C’est d’ailleurs grâce à elle que j’ai découvert que dans les années 1970, alors que les Françaises de l’hexagone militaient pour le droit à l’avortement, on stérilisait de force les Réunionnaises, pour restreindre les naissances d’enfants non blancs.
Le modèle capitaliste est foncièrement raciste et patriarcal, et c’est ce que tend à démontrer Françoise Vergès dans ce livre coup de poing.
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Féminisme pour les 99%, de Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya, et Nancy Fraser
Ces trois autrices sont professeures aux États-Unis, mais également les organisatrices de l’International Women’s Strike (le mouvement international de la grève des femmes), dont l’objectif est de mettre en lumière le travail gratuit et/ou invisible que fournissent les femmes dans le monde entier par le biais d’une grève qui révèlerait les tâches essentielles qu’elles réalisent (travail sous-payé indispensable, travail domestique gratuit).
Ce manifeste a pour ambition de faire la différence entre le féminisme des élites (féminisme libéral) et le féminisme « des 99% », ancré dans les luttes sociales, et qui fait écho aux combats écologistes, contre le capitalisme. Il est temps de choisir entre : le fait de vouloir à tout prix dominer le monde (comme les hommes) en aspirant à l’égalité sans jamais bousculer le modèle établi (celui d’une hiérarchie entre les êtres humains), ou le fait d’aspirer à un renouveau sociétal, en imaginant une justice sociale indexée à l’anticapitalisme.
Cet ouvrage apporte un vrai souffle pour envisager une nouvelle société, qui dépasse les ambitions actuelles et le modèle patriarcal dominant.
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Ne suis-je pas une femme ?, de bell hooks
Cette question a été posée en 1851 par Sojourner Truth, une ancienne esclave et militante abolitionniste américaine, lors d’un discours prononcé pendant la convention des droits de la femme ; aujourd’hui, elle peut être perçue comme une introduction au concept de convergences des luttes. Dans ce discours, elle mentionnait la différence de l’oppression entre les femmes, et notamment entre les femmes blanches et noires, les premières pouvant aussi devenir oppresseures des secondes.
Dans l’ouvrage de bell hooks, publié en 1981 (et traduit seulement en 2015 en français !), on retrouve ainsi la critique du féminisme blanc (ou universaliste) qui tend à effacer les différences au sein même de la communauté englobant le mot « femmes ».
Ce livre est une base idéale pour comprendre les tenants et aboutissants du Black Feminism, ou féminisme noir, et pointer l’incomplétude des réflexions du féminisme universaliste.
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Un féminisme musulman, de Malika Hamidi
Ce livre a été une véritable révélation. Vous l’avez peut-être remarqué, mais il est rare d’entendre la voix des concerné.e.s dès lors qu’on parle d’islam. Malika Hamidi nous livre ici sa thèse et un travail hyper sourcé, précis, et profondément accessible qui permet de mieux comprendre et cerner les combats menés par les (nombreuses !) féministes musulmanes à l’heure actuelle.
Tout au long de l’ouvrage, l’autrice tente de répondre à deux questions (entre autres) : est-ce que l’Islam est responsable de l’arriération de la société musulmane vis-à-vis des femmes ? La religion est-elle un obstacle à l’émancipation des femmes ? En soulevant ces questions, on réalise rapidement qu’il est indispensable de soutenir les militantes musulmanes dans leurs combats actuels.
Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive, de nombreux autres livres peuvent y être ajoutés, mais il s’agit d’une base diversifiée qui permet de décentrer sa réflexion féministe en découvrant une multiplicité de points de vue ! Bonnes lectures.