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5 femmes qui ont bouleversé le journalisme

Aux chiottes Clark Kent, place aux vraies super-héroïnes du journalisme.

Par
Mathieu Gilbert
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« Perroquets du gouvernement », « voyeurs », « corrompus », ces dernières années, l’image du journalisme n’a cessé d’être remis en cause. Pourtant ce 4e pouvoir à maintes fois prouvé dans l’histoire qu’il était indéniablement important pour notre démocratie.

C’est la raison principale, de ce pour quoi je me suis lancé dans ce métier. Et bien qu’il soit de plus en plus dur de voir cette vocation entachée de stéréotypes, rien de tel que des femmes courageuses pour en redorer le blason. Voici donc 5 femmes qui ont bouleversé le journalisme :

Nellie Bly, 1864-1922

Comment parler de journalistes inspirantes sans commencer par Nellie Bly ? Considérée comme la première femme grande reporter au monde, Nellie Bly a marqué pour toujours la profession en laissant derrière elle, son nom au prix Nellie Bly du New York Press Club, qui récompense les meilleurs travaux produits par des jeunes journalistes.

À ses 15 ans, Elizabeth Cochran – de son vrai nom – est révoltée par le peu de choix professionnel qui s’offre aux jeunes femmes de son époque. C’est en lisant un article du « Pittsburg Dispatch », titrant « À quoi sont bonnes les filles ? », qu’Elizabeth bondit de sa chaise pour écrire une lettre au patron de Dispatch en lui témoignant son dégoût pour ce papier patriarcal à souhait -parmi tant d’autres-. Et il faut bien le dire, à cette époque, c’est audacieux !

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Mais le culot paie, car, amusé par cette lettre et étonné par la plume de la jeune effrontée, le directeur de Dispatch la publiera dans son journal et demandera à Elizabeth d’écrire pour lui, sous le pseudonyme de Nellie Bly.

Dès ses premiers articles, Nellie Bly parlera de la condition des femmes, et des travailleurs dans les usines, mais sera rapidement conduite vers la porte sous la pression des grandes marques qui n’apprécient pas que l’on entache leur image.

C’est le journal New York World et son enquête sur les asiles psychiatrie pour femmes qui fera véritablement décoller sa carrière. Pour mener au mieux son investigation, Nellie Bly se fera alors volontairement interner en psychiatrie pour montrer l’horreur de ces centres. Elle sera l’initiatrice du véritable journalisme d’immersion et de narration qui permettra de révéler les témoignages les plus poignants.

Elle sera par la suite la première femme reporter de guerre en couvrant la Première Guerre mondiale. Cerise sur le gâteau, à la fin de sa vie, veuve d’un riche industriel, Nellie Bly hérite de son usine de tonneaux métalliques, qu’elle fera non seulement prospérer en fabriquant un nouveau modèle de tonneau, mais offrira aussi à ses employés, une assurance-maladie, des bons salaires et une bibliothèque -inimaginable à l’époque-. Au lendemain de sa mort, la presse lui rendra hommage dans un article intitulé « La plus grande journaliste d’Amérique ». Rien de mieux qu’une femme pour changer le monde !

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Ida Bell Wells-Barnett, 1862-1931

Fille d’esclave, Ida Bell Wells-Barnett, grandit en pleine abolition de l’esclavage et voit son père s’affranchir de son maître. C’est lors d’un voyage en train, que la vie publique d’Ida va prendre un tournant. Elle a alors 22 ans et le conducteur du train lui demande de s’asseoir dans le wagon réservé aux fumeurs, dans lesquels sont confinés les passagers afro-américains.

Ida refuse et mord le conducteur qui tente de la déloger, puis attaquera en justice la compagnie ferroviaire qui déboursera 500 dollars de dommages et intérêts. L’affaire a fait grand bruit – bien avant celle de Rosa Parks – et Ida Bell Wells-Barnett en profite pour lancer sa carrière journalistique.

Elle commence d’abord pour divers journaux noirs du grand Sud, puis écrit pour le Free Speech and Headlight.

En mars 1892, une épicerie tenue par des afro-américains, est attaquée et les trois propriétaires sont tués par des suprémacistes blancs. Révoltée par la mort de ses amis, Ida B. Wells commence un grand travail de documentation sur le lynchage de la communauté afro-américaine notamment par le prisme des femmes. Une lutte antiraciste et féministe qui sera héroïquement menée par Ida B.Wells, malgré les intimidations et la destruction de ses journaux.

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Martha Gelhorn, 1908-1998

Née d’un père gynécologue progressiste et d’une mère avocate et féministe, Martha Gelhorn ne pouvait être destinée qu’à propager de bonnes idéologies.

C’est ce qu’elle va faire à 21 ans, en partant à la découverte du monde avec quelques sous en poche, une machine à écrire et beaucoup de détermination. Ce qui rendra célèbre Martha Gelhorn, ce sera sa couverture des grandes guerres du XXème siècle.

De la guerre d’Espagne, au débarquement de Normandie, où elle est la seule femme à participer avec les troupes américaines. Elle couvre aussi les bombardements britanniques en Allemagne et accompagne les troupes alliées lors de la libération du camp de concentration de Dachau. Elle poursuit en couvrant la guerre d’Hiver en 1939, la guerre du Viêt Nam, celle au Salvador en 1983 et enfin l’invasion du Panama par les États-Unis, pour son dernier reportage de guerre.

Conjointe d’Ernest Hemingway de 1940 à 1945, elle se verra dédiée le roman « Pour qui sonne le glas », du célèbre écrivain-journaliste.

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Veronica Guerin, 1958-1996

À l’image de ses prédécesseures, Veronica Guerin avait le sens du sacrifice et ne craignait rien ni personne pour informer le peuple. Elle le paiera malheureusement de sa vie.

Journaliste pour le Sunday Independent, elle se spécialise dans les affaires criminelles notamment liées au trafic de drogues. Malgré les menaces de mort et les agressions, dont un tir dans la jambe, Veronica Guerin ne se laisse pas intimider et continue sans relâche de documenter de manière de plus en plus précise les activités criminelles des plus gros trafics de Dublin.

Ces documentations ne plaisent pas aux principaux concernés et le 26 juin 1996, Veronica Guerin est assassinée par balles dans sa voiture, alors qu’elle patientait à un feu rouge. Elle laissera dans une dernière note avant sa mort ces mots : « Je ne me considère pas comme une femme courageuse, aucun journaliste ne croit jamais qu’on puisse le tuer. »

Un mémorial sera inauguré en son honneur à Dublin et elle recevra à titre posthume le titre de « héros de la liberté de la presse » par l’International Press Institute.

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Maria Ressa, 1963

Si toutes ces journalistes ne sont plus de ce monde, aujourd’hui, la profession ne manque pas de héros. Maria Ressa, qui a reçu en 2021 le prix nobel de la paix, en est le parfait exemple.

Cette journaliste philippino-américaine est surtout connue pour avoir créé le site d’information « Rappler », qui permet de lutter contre la désinformation des réseaux sociaux.

Véritable bête noire du président philippin Rodrigo Duterte, Maria Ressa a courageusement documenté les exactions de son gouvernement dans un pays ou les assassinats de journalistes sont fréquents.

Après deux arrestations, des poursuites pour diffamation, des menaces et du harcèlement, Maria Ressa déclare, « C’est la meilleure époque pour être journaliste. Ces périodes où c’est le plus dangereux, ce sont les périodes où c’est le plus important. ». Un exemple d’héroïsme qui rappelle que la liberté d’expression et le combat pour l’information n’est pas encore gagné partout.

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