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Des urinoirs écolos qui fuient dans tout Paris, les ventes d’urinoirs féminins portables qui explosent depuis le confinement, etc: il ne nous en fallait pas plus pour nous pencher sur cet objet du quotidien (autrefois sublimé par Marcel Duchamp), quitte à revivre certains moments pas forcément agréables…
Cette sensation de malaise absolu lorsqu’un mec vient se poser juste à côté de vous pour tout (re)lâcher, ça vous parle? Les bruits, l’odeur, la proximité, le eye contact de trop. Ce gars qui ne peut s’empêcher de siffloter en même temps. Celui qui lâche une énorme caisse sans pression ou cet autre qui, persuadé d’être cool, décide que c’est un moment opportun pour entamer une conversation. Et toutes ces questions qui tournent en boucle dans nos têtes: est-ce que c’est propre un urinoir? C’est vrai qu’on peut choper des bactéries? Est-ce qu’une fille peut pisser debout? Mais alors dans ce cas, n’est-ce pas ultra discriminant? Ahhhhhh, les urinoirs.
J’en ai discuté avec Marc Galiano, urologue andrologue, auteur de Mon sexe et moi, manuel pour comprendre et réparer son pénis, co-écrit par Rica Etienne. Ne soyez pas sceptiques, c’est effectivement un vrai sujet.
Mais avant tout, précisons que lorsqu’on parle d’hommes, de mecs ou de garçons, on fait référence ici aux personnes assignées, génitalement, mâle à la naissance. Rappelons que tous les hommes n’ont pas nécessairement de pénis, et qu’inversement, avoir un pénis n’implique pas systématiquement être un homme.
Certaines personnes sont incapables de les utiliser
C’est ce qu’on appelle la parurésie, ou le syndrome de la vessie timide. La parurésie, c’est quoi? «C’est le fait d’être dans l’incapacité de pouvoir uriner en présence de quelqu’un. Quelqu’un à côté de soi, quelqu’un qui rentre : la vessie se bloque, et on ne peut plus rien faire.» Ça touche entre 1 et 5% des hommes. «C’est complètement psychologique, c’est un blocage, un verrouillage du périnée qui est incapable de se détendre.» (Car oui, les hommes aussi ont un périnée et on se doit de le rappeler). Alors évidemment dans ce cas, les urinoirs c’est la hantise la plus totale.
À ce propos, Marc Galiano nous livre une anecdote personnelle qui en dit long. Il se souvient encore de son concours de médecine, à 7 000 dans un hangar. «J’étais obligé d’aller au petit coin, parce que les épreuves duraient 5 heures. On était les uns à coté des autres, et avec le stress de l’épreuve en plus, c’était un cauchemar! Je me tapais la tête contre les murs pour pisser, parce qu’il fallait bien que je pisse.» Il m’a raconté aussi cette fois où il a dû se retenir comme un «maboule» en revenant de l’aéroport. «J’avais fait une rétention psychogène. Parce que le sphincter, c’est un muscle! Si vous le contractez, cela fait une crampe et une fois qu’il y a cette crampe, vous n’arrivez plus du tout à pisser.» Et dans les cas les plus extrêmes, ça peut se terminer à l’hôpital où l’on doit… vous installer une sonde pour vous soulager. La bonne nouvelle, c’est que tout cela peut se travailler. «Avec de la sophrologie, de la psychologie comportementale… Ce n’est pas une maladie, c’est comportemental. La parurésie appartient à la famille des phobies sociales.»
Ce n’est pas l’urinoir qui est sale, c’est vous
Les éclaboussures, parlons-en. Mais pour le coup, ici, ce ne sont pas forcément les urinoirs qui sont en cause. «Quelque part, un urinoir c’est assez bien foutu. Lorsqu’il est réglé à la bonne hauteur et qu’on fait pipi normalement dedans, il ne devrait pas y avoir d’éclaboussures. Quoiqu’il arrive, c’est beaucoup plus hygiénique de faire pipi à hauteur d’homme que de le faire 40 cm plus bas. C’est un principe physique». Le problème viendrait donc plutôt des manières qu’ont les hommes de se soulager, d’où les petits stickers collés au fond des urinoirs pour les inciter à bien viser et à ne pas se mettre à 2 mètres de l’urinoir.
L’autre problème d’hygiène: ceux qui ne se lavent pas assez les mains en sortant des toilettes. Là encore, la pissotière n’est pas en cause. «Il y a 15 ou 20 ans, on avait étudié les bactéries présentes dans les pots de cacahuètes sur les bars des restaurants, on avait retrouvé une quinzaine d’urines différentes.» ARK. Grâce à la COVID, il faut quand même positiver: tout le monde a un gel hydroalcoolique sur soi (ou presque) et ça détruit absolument tout. «On l’utilise au bloc opératoire depuis 15 ans. En terme de santé publique, j’aimerais vraiment faire passer ce message auprès des jeunes: lavez-vous les mains!»
Il y a une (micro) chance de choper une bactérie
Choper une MST ou une bactérie dans des toilettes publiques, cela relève plutôt de la légende urbaine. «Impossible dans un urinoir, à moins d’avoir son pénis qui trempe dedans ou de taper le bord au moment de faire tomber la goutte. Mais s’il n’y a pas de contact, pas de contamination possible», rassure le Dr Galiano.
L’urinoir, c’est politique
Direction gare de Brest: la SNCF a fait retirer des urinoirs, gratuits, alors que les toilettes étaient payants. Maintenant, tout le monde paie 20 centimes. Pas de sexisme, pas de jaloux. Parlant d’égalité des sexes, j’ai aussi demandé à Marc Galiano son avis au sujet des urinoirs féminins: cette invention qui révolutionne le monde du festival, et celui de l’après-Covid avec sa version portable. «Alors effectivement, on revient un peu sur ce syndrome de la vessie timide…». Mais il faudrait surtout demander l’avis aux principales concernées: à en croire les témoignages récupérés, ça a l’air de faire des heureuses quand même. Vous avez testé?
Les femmes aussi peuvent pisser debout
On a aussi parlé du « pisse-debout ». Pour Marc Galiano, c’est absolument génialissime et super simple. «De manière générale, il faut pousser tout ce qui peut faciliter la liberté des femmes, parce qu’aujourd’hui en festival, manif ou tout autre événement de masse, c’est juste un enfer pour les femmes, et c’est surtout super risqué pour elles, hélas.»
Donc si on résume, les gars : lavez-vous les mains, pissez assis à la maison, et pas à 2 mètres du trou dans les urinoirs. C’est faisable? Allez, on se serre les coudes.