.jpg)
En ce mois de mars plutôt riche en actualité, et pour ma part à deux doigts du burn-out, je me suis dit qu’il était essentiel de se replonger dans la lecture. Quoi de mieux pour cela que des romans inspirant, qui nous montre que quoi qu’il nous arrive dans la vie, tout est surmontable.
Les Perles du Tao : un livre qui relève les femmes à genoux
Il y a longtemps que mes yeux n’avaient pas était mouillé en lisant un livre. Il faut dire que le réalisme et la crédibilité de la plume d’Amal Bakkar vous tire obligatoirement les larmes. Les Perles du Tao raconte en quatre nouvelles les différentes épreuves que rencontrent nombre de femmes. De Majda rouée de coups par son mari dont elle est éperdument amoureuse à Hélène qui se bat contre son cancer, on suit ces femmes qui ont eu le courage de relever la tête quand la vie tentait de les noyer.
Un fabuleux message d’espoir pour ces femmes qui souffrent en silence comme a pu me le raconter l’autrice : « J’écris mes silences depuis toujours. Cette envie de transmettre à travers mes personnages à qui j’ai donné vie dans Les Perles du Tao est arrivée après plusieurs épreuves que j’ai vécues dans ma vie de femme. J’ai pris appui, comme un levier, à exploiter mes faiblesses de parcours pour les transformer en force. J’ai une volonté de donner à voir de la force et du courage de se relever quel que soit ce que l’on traverse dans la vie. »
Une écriture franche, des mots simples qui nous frappent mieux que de longues métaphores incompréhensibles pour décrire un sentiment. Amal Bakkar nous transpose aisément dans la tête de ces personnages par le réalisme de son écriture. Un récit oralisé à la Céline, avec cette fois-ci de bonnes idéologies.
.png)
Mon adolescence trans
Lorsque j’ai reçu ce roman graphique, je ne m’attendais pas à être brusqué par la dure réalité d’une femme trans, qui doit faire face à la cruauté des relations adolescentes. Dans cette bande dessinée, Fumettibrutti raconte sans aucun tabou le chemin douloureux qu’elle a dû emprunter pour se faire accepter des autres. L’histoire est un mélange de sentiments auto-destructeurs : entre dépression, dévalorisation et aliénation de soi-même. Fumettibrutti parle avec brio – pour l’avoir vécu – de thèmes cruciaux et violents comme le harcèlement scolaire et celui de la rue ; du regard des ami.e.s ou de la famille sur le changement d’identité ; et des rencontres en ligne allant de l’agression verbale aux rapports sexuels non-consentis. Toute la BD se construit autour du chemin initiatique de P. (le diminutif de Fumettibrutti).
Ici, la forme laisse place au fond de manière intelligente, les dessins vont droit au but sans s’attarder sur les détails, mettant le lecteur face à la réalité brute, à plusieurs égards. On ne nous ménage pas et c’est tant mieux. C’est ce qu’il faut pour se rendre compte de la dureté des épreuves qu’a dû traverser P. avant d’accepter son corps et de le faire accepter des autres. « La honte du corps est quelque chose qui est instillé dans la tête de tous les enfants, garçons ou filles, peu importe. J’ai dessiné cette BD pour aider les adolescents », explique Fumettibrutti. C’est réussi.
Au-delà des nuages, le soleil brille
Cindy Triaire dépeint dans ce livre trois profils type, autour du thème du harcèlement scolaire. Le premier, Raphaël, personnage central du roman, est en surpoids suite au décès tragique de son père et subit de la part de ses camarades, toutes les ignominies que peut offrir l’ignorance et l’effet de groupe du monde adolescent.
Andy, la deuxième héroïne au physique avantageux, est un personnage plus complexe. Petite, on se moquait d’elle à cause de ses cheveux roux et de ses grosses lunettes. l’adolescence n’arrangeant rien, Andy devient anorexique. Arrivé au pensionnat, elle trouve un échappatoire dans l’apparence superficielle et les relations qu’elle consomme frénétiquement.
Elle se sent enfin désirée et animée d’un sentiment de puissance, jusqu’à tomber sur celui qui va diffuser des vidéos de leurs ébats sur internet et amorcer la descente aux enfers de la jeune fille.
Enfin, Liang, quant à lui, est un immigré chinois qui a fait face au racisme et aux discriminations. Devant jongler avec le cauchemar que lui font subir ses camarades et la tristesse de ses parents face à la désillusion de leur immigration en France, Liang se réfugie dans la scarification.
Ces trois personnages, symboles des différentes formes et des conséquences du harcèlement scolaire, vont devoir apprendre à se connaître au cours d’un stage d’une semaine dans une auberge, où ils vont tenter de retrouver un second souffle. Si le harcèlement est un thème majeur du livre, l’autrice aborde d’autres nombreux sujets très actuels. Des attentats au Covid-19 en passant par la perte d’un être cher à la dépression suicidaire, etc… Tout y est. Ce roman est un véritable mode d’emploi du bonheur. Une carte au trésor pour se retrouver soi-même quand les épreuves de la vie vous ont perdre votre véritable valeur. En étant une véritable coach en rebond et en motivation, Cindy Triaire m’a convaincu qu’au-delà des nuages, le soleil brille.
Tais-toi quand tu parles
Ce roman pourrait être l’illustration parfaite de l’empowerement féminin. Si vos journées sont ternes ces temps-ci, ou que votre vie s’enlise dans la routine barbante du métro-boulot-dodo, lisez ce roman feel-good. À la fois fictif et autobiographique, il mélange à lui tout seul plusieurs ambiances, semblables à celles qu’on retrouve dans Sex and the city, Gossip Girl et Tout ce qui brille. En tant qu’homme, blanc, cisgenre, je me suis quand même parfois reconnu dans ce roman universel dont l’héroïne Shadee est une féministe afro-française.
À cette universalité volontaire, l’autrice répond : « La magie d’un roman est que le lecteur puisse se dire : « Ah mais ce comportement, cette phrase, c’est tout à fait moi ou c’est carrément Pauline, Ismaël, Sia… » Bien sûr qu’on peut lire le roman même si l’héroïne est noire et qu’on ne l’est pas. Ses questionnements, états d’âmes, rires et bêtises n’ont pas de couleurs, et c’est bien ça qui est beau. » Ici pas de drame ni de catastrophe à vous déchirer le cœur, mais la banalité du quotidien d’une femme avec très peu de confiance en elle, rayonnante, et avec une folle envie de croquer la vie et l’amour à pleine dent. Son humour et sa gentillesse face aux épreuves de sa vie professionnelle, amoureuse et familiale en fait une lionne, comme toutes celles qui se battent pour ne plus qu’on leur dise de la fermer.