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4 films que vous avez peut-être ratés en février
Si les salles de cinéma ne font pas encore office d’abri atomique, elles offrent au moins un refuge temporaire loin des angoisses et tracas de la vie quotidienne. Si vous les aviez ratés, voici quelques excellents films qui ne devraient surtout pas échapper à votre radar.
Si vous voulez rêver: Sous le ciel de Koutaïssi
Dans la charmante petite ville de Koutaïssi en Géorgie, deux inconnus s’entrechoquent au détour d’une rue. On ne voit que leurs pieds, mais on le comprend, le coup de foudre a été immédiat. Ils décident de se revoir le lendemain, à une terrasse de bar, mais oublient d’échanger leurs prénoms. Le soir, une malédiction frappe les deux potentiels amants, et les condamne à vivre à proximité l’un de l’autre sans plus jamais se croiser. C’est ainsi que commence le superbe film d’Alexandre Koberidze, rêverie douce et ludique de deux heures trente dans laquelle on aimerait rester toute la vie.
Après un point de départ relativement simple, Sous le ciel de Koutaïssi emprunte de nombreux détours, et nous plonge dans le quotidien de la ville, ses habitants (humains et canidés), sa rivière et sa nature, son amour du foot et ses soirées paisibles. Tout sauf linéaire, le film géorgien s’apparente plutôt à une déambulation estivale où le temps s’étire et où chaque coin de rue offre une nouvelle surprise. C’est un poème visuel, contemplatif mais jamais plombant. Et même lorsque le couple principal n’est pas au centre du récit, il n’y est question que d’amour. À chaque plan, on sent combien Alexandre Koberidze semble profondément éperdu de ses personnages, et de chaque visage, chien ou objet anodin sur lesquels il place sa caméra.
Dans une scène malicieuse, le film s’adresse directement à son public, et lui demande de fermer les yeux. Les plus cyniques trouveront la démarche un peu gadget, mais si vous faites partie des rêveurs, suivez le signal, et laissez vous porter.
Si vous voulez stresser: The Innocents
« Ce qui me satisferait le plus, c’est qu’après la projection, les gens parlent de la magie de leur enfance », explique le réalisateur Eskil Vogt dans le dossier de presse de The Innocents. C’est marrant, parce qu’après avoir vu le film, on a plutôt eu envie de renouveler notre ordonnance contraceptive. Le terrifiant The Innocents est en effet un thriller horrifique, sur un groupe d’enfants norvégiens qui se découvrent des pouvoirs paranormaux. Avec ses parents et sa sœur Anna, atteinte d’un trouble autistique, la jeune Ida emménage dans une barre d’immeubles entourée de forêts. Rapidement, elle se lie d’amitié avec un petit garçon du quartier, Ben, qui lui dévoile un de ses super pouvoirs. Pour tuer le temps, les enfants font les quatre cent coups, testent sans cesse de nouvelles limites. Et forcément, ça dégénère.
Maniant une atmosphère de plus en plus troublante et anxiogène, le film explore les mécanismes d’exclusion, entre enfants mais aussi chez les adultes: harcèlement, maltraitance, pression sociale… The Innocents est une fable percutante sur l’apprentissage de la morale, qu’il faut regarder avec le cœur bien accroché. Attention, si vous aimez beaucoup les chats, vous risquez de très mal le vivre.
Si vous voulez cringer: Red Rocket
Toujours en salles, vous pouvez aussi suivre ce portrait déjanté et merveilleusement dérangeant d’un manipulateur prêt à tout pour s’en sortir. Sean Baker, cinéaste fasciné par les Américains marginaux et laissés pour compte, raconte dans son dernier film les mésaventures de Mikey Saber, un acteur porno déchu au charisme irrésistible. Après une déconvenue dont on ne connaîtra jamais les détails, Mikey revient dans sa ville natale, chez son ex femme, pour se refaire une santé. Immature, égocentrique, manipulateur et menteur compulsif, il réussit contre toute attente à baratiner tous ceux qu’il croise, et nous avec. Lorsqu’il se met en tête de séduire une très jeune vendeuse de donuts pour relancer sa carrière, on ne peut s’empêcher d’être mal à l’aise, tout en restant ensorcelés par ce personnage haut en couleur et terriblement divertissant.
Incarné par un Simon Rex impressionnant, Mikey est une tornade de charisme – et d’emmerdes. L’exploit du film tient au fait que Sean Baker rend palpable le magnétisme de son héros, sans jamais glorifier ses actes. À la fois drame, comédie, et étude psychologique d’un homme toxique, Red Rocket s’amuse avec les genres, et remet aussi au goût du jour les NSYNC, utilisant leur tube Bye Bye Bye comme un hilarant leitmotiv (notre utilisation préférée étant celle où Mikey gambade, tout nu, dans les rues du Texas après une énième embrouille).
Bonus streaming…
Si vous voulez danser: Bergman Island
Complètement snobé par les César, le film de Mia Hansen-Løve est pourtant un des plus beaux de l’année. Et vous avez de la chance, il est actuellement dispo sur Canal +.
Pas besoin d’être un inconditionnel d’Ingmar Bergman pour aimer Bergman Island, même si ça ne fera évidemment pas de mal: les références abondent, mais il y est plus généralement question de création, d’amour, et de l’intersection entre les deux. Un couple de cinéastes vient passer quelques jours sur l’île de Fårö, célèbre pour avoir été sublimée par le légendaire réalisateur suédois. Dès le départ, d’infimes tensions sont palpables : elle, Chris, lutte pour finir son scénario et semble frustrée par un certain déséquilibre dans leur couple; lui, Tony, est plus âgé et plus célèbre qu’elle (toute ressemblance avec la réalité serait purement fortuite). Surtout, Chris semble craindre que ses responsabilités de mère l’empêchent d’éclore pleinement en tant qu’artiste.
Alors que le couple découvre les différentes attractions touristiques de l’île (y compris un « Bergman safari »), le film déploie un récit parallèle : celui que Chris est en train d’écrire. Dans ce « film dans le film », Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie incarnent deux amants qui se croisent brièvement lors d’un mariage. Pour Chris comme pour son héroïne, il s’agira alors de transformer les doutes, les frustrations et la douleur d’un cœur brisé, en récit d’émancipation. Mia Hansen-Løve, qui s’est inspirée de sa relation avec le cinéaste Olivier Assayas, entremêle brillamment plusieurs couches de fiction et de narration, et livre un film d’une époustouflante délicatesse, aussi romantique que mélancolique. Le tout au son d’Abba.